C’est officiel, les services de renseignement allemands se penchent désormais sur le cas de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). L’Office pour la protection de la Constitution a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête sur le parti d’extrême droite, qui siège au Bundestag depuis 2017. Cela ne veut pas dire qu’il est placé sous surveillance ; mais il fait l’objet d’une sorte d’enquête préliminaire, qui pourrait aboutir, ensuite, à un placement officiel sous surveillance.
Selon le nouveau président de l’Office pour la protection de la Constitution, Thomas Haldenwang, les renseignements intérieurs allemands disposent de «premières indications concrètes d’une politique de l’AfD dirigée contre les fondements démocratiques». En ligne de mire, les déclarations publiques, notamment racistes, xénophobes et/ou islamophobes de plusieurs de ses responsables, jugées «incompatibles avec la garantie de dignité humaine». Un éventuel placement sous surveillance donnerait la possibilité aux services de renseignement d’espionner les télécommunications des membres de ces organisations, de stocker des données personnelles, de recruter des informateurs et d’utiliser des agents infiltrés.
Deux organisations du parti, «l’Aile» et la «Jeune alternative», font déjà l’objet d’une surveillance renforcée. L’un des chefs de file de l’«Aile», Björn Höcke, qui représente la tendance «nationale-völkish» du parti, avait notamment déclaré début 2017 que le mémorial de la Shoah à Berlin était un «mémorial de la honte». Et comme le rappelle dans un éditorial Sabine am Orde, du quotidien de gauche Taz, lors des manifestations à Chemnitz l’été dernier, des membres de l’AfD – dont Höcke – ont défilé avec Pegida et des néo-nazis.
Au passage, une ancienne figure éminente de ce mouvement de l’«Aile», André Poggenburg – il l’a quitté l’été dernier –, vient également de quitter l’AfD après avoir fondé son propre mouvement, l’Eveil des patriotes allemands. Le logo du parti fait déjà polémique, puisqu’il s’agit d’un bleuet, fleur que les nazis autrichiens portaient dans les années 30 pour se reconnaître entre eux, le parti y étant alors interdit.
L’AfD, fondé en 2013 par des europhobes néolibéraux, est depuis les élections de septembre 2017 le principal parti d’opposition au Bundestag – face à une grande coalition réunissant tant bien que mal chrétiens-démocrates de la CDU, CSU et sociaux-démocrates du SPD.
Le parti est actuellement crédité d’environ 15% des intentions de vote au niveau national. Et il attend beaucoup de 2019 car, outre les élections européennes en mai, trois élections régionales se tiennent à la fin de l’été dans trois Länder d’ex-RDA : la Saxe, la Thuringe et le Brandebourg. En Saxe, par exemple, Land dans lequel on trouve les villes de Chemnitz et de Dresde, le parti est crédité d’environ 25% d’intentions de vote.
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Cette annonce de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution est donc une mauvaise nouvelle pour l’AfD. Car, comme le commente la Taz, «il règne une grande agitation en interne. Tous le savent : les électrices et les électeurs qui font partie de sa frange bourgeoise craignent de voter pour un parti surveillé par les renseignements».
L’AfD a ainsi protesté avec véhémence à l’annonce de la nouvelle ; et le président du parti, Alexander Gauland, a immédiatement évoqué un recours en justice.