Et si la Première ministre britannique était en grande partie responsable du chaos qui secoue actuellement le Royaume-Uni ? On a toujours su que les négociations autour du Brexit allaient être difficiles, notamment parce que nul, tant du côté des «remainers» que des «leavers», n'avait envisagé et donc préparé la victoire du out le 23 juin 2016. Mais Theresa May s'est sans aucun doute compliqué la tâche.
En arrivant au 10, Downing Street en juillet 2016, elle s’était vantée de ne faire partie d’aucun clan politique, de ne jamais traîner avec ses collègues dans les bars du Parlement. Solitaire, elle n’a que peu d’amis et ne se confie à personne, si ce n’est à son mari, Philip May. Même au sein de son cabinet, elle compte peu de vrais proches et rechigne à déléguer - un trait qui domina aussi pendant ses six ans comme ministre de l’Intérieur sous David Cameron.
Elle ne compte que sur une toute petite poignée de conseillers qui l’isolent et prend ses décisions seule, après une longue réflexion. Au cours des derniers mois, certains ont loué sa résilience ou le sens du devoir de cette fille de pasteur, qui la pousseraient à honorer coûte que coûte le résultat du référendum. Et si ces traits illustraient en fait une forme d’obstination crasse, liée à une certaine rigidité intellectuelle et une profonde absence d’empathie ?
Lignes rouges
Dès le premier jour, May a interprété, seule, la signification du vote en faveur du Brexit par une petite majorité de 51,9 % des Britanniques. Et décidé d’ignorer que la moitié du pays est farouchement opposée à une sortie de l’UE. En déclarant très vite qu’elle se dirigerait vers un Brexit dur, à savoir une sortie du Marché unique (et donc la fin de la liberté de circulation) et une sortie de l’union douanière, elle n’a consulté personne, ni les «leavers» ni les «remainers». En imposant aussitôt ses lignes rouges, elle a également torpillé dès le départ les négociations avec l’Union européenne. En mars 2017, lorsqu’elle a enclenché l’article 50, elle n’avait pas de plan ni de projet précis pour la suite des événements. Rien ne l’obligeait à déclencher le processus de sortie de l’Union européenne aussi rapidement, même pas la pression des plus acharnés des «brexiters».
A ce moment-là, la Première ministre disposait encore d’une majorité confortable au Parlement, héritée de David Cameron. Elle aurait pu décider d’organiser une consultation nationale ou engager une réflexion avec les autres partis, voire ses propres députés ou son cabinet, pour essayer de définir une stratégie commune dans des circonstances historiques. Elle a choisi de ne rien faire, de ne parler et de n’écouter personne, y compris ceux qui l’ont mise en garde à de multiples reprises sur les épines des futures négociations.
Calamiteuse
Au printemps 2017, elle a déclenché des élections anticipées, alors que rien ne l’y forçait, pour conforter sa position. Après une campagne calamiteuse, elle a perdu sa majorité et a dû conclure un accord bancal avec le Democratic Unionist Party, petit parti unioniste nord-irlandais extrémiste qui la tient en otage depuis, notamment sur la question de la frontière avec l’Irlande du Nord.
Mardi soir, après sa défaite historique, elle a enfin promis de consulter «les membres de tous les autres partis» à la Chambre des communes, avant de définir une nouvelle stratégie. Plus de deux ans et demi après le référendum… Quelques heures après, le leader de l'opposition, Jeremy Corbyn, signalait n'avoir «toujours pas reçu de coup de fil de Theresa May». L'une des plus éminentes députées travaillistes, Yvette Cooper, s'est indignée : «Sérieusement ? En refusant de modifier ses lignes rouges, y compris celles qui ont conduit à un deal rejeté par le Parlement, la Première ministre agit comme si elle avait perdu par 30 voix et non 230 !»