Comme un air de déjà-vu. Répondant à l’appel du principal syndicat du pays, les Zimbabwéens ont entamé lundi une grève générale de trois jours. Aux quatre coins du pays, les manifestants venus protester contre le doublement des prix des carburants ont subi une sévère répression, notamment dans les grandes villes d’Harare et de Bulawayo. Dès le premier jour, l’armée est intervenue et n’a pas lésiné sur les tirs à balles réelles. Selon les autorités zimbabwéennes, 68 personnes auraient été blessées depuis le début de la semaine. Un bilan contesté par l’Association zimbabwéenne des médecins pour les droits de l’homme, qui décompte au moins dix morts et plusieurs centaines de blessés.
«On observe des continuités avec le système répressif de l'ancien président Robert Mugabe [chassé du pouvoir par un coup d'Etat en novembre 2017, ndlr], remarque Victor Magnani, chercheur à l'Institut français des relations internationales. C'est un réflexe sécuritaire qui traduit l'importance de l'armée dans l'appareil zimbabwéen, même depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmerson Mnangagwa. En août 2018 déjà, au lendemain des élections, les manifestations de l'opposition avaient été réprimées et six personnes avaient trouvé la mort».
En moins de cinq jours, ce sont plus de 600 personnes qui auraient été arrêtées d'après les autorités, dont Evan Mawararire. Figure de l'opposition sous Mugabe, ce pasteur est poursuivi pour avoir incité à la violence. «Il est l'heure de mobiliser ceux qui aiment vraiment le Zimbabwe», avait-il simplement tweeté. «L'arrêter le met au centre du débat alors qu'il avait disparu des radars, poursuit Victor Magnani. Cela traduit la volonté du régime de limiter les porte-voix de l'opposition.» L'ONG Human Rights Watch s'est insurgée contre ce «recours excessif à la force».
Chaos économique
Pour Monica Mutsvangwa, ministre de l'Information du pays, «ces événements sont des attaques délibérées contre les Zimbabwéens pacifiques. Les tentatives de renverser le gouvernement […] seront déjouées». Une rhétorique utilisée par le gouvernement pour se «déresponsabiliser» et «délégitimer» les manifestations, rétorque le chercheur à l'Ifri. «On retrouvait cela chez Mugabe également.»
Voitures brûlées, magasins pillés… au-delà des pertes humaines, le Zimbabwe accuse aussi des dégâts matériels. A cela s'ajoutent des transports publics paralysés et une connexion à Internet coupée. Pas de quoi améliorer le quotidien d'un pays rongé par une inflation estimée à 42% pour le seul mois de décembre. Les produits de première nécessité comme l'eau, le pain et les médicaments ont vu leur prix flamber. Le chaos économique existait déjà sous Mugabe et persiste depuis le début du mandat de Mnangagwa. Seulement, «il y avait beaucoup d'attente autour de l'arrivée du nouveau président, reprend le chercheur. Et aujourd'hui, c'est la frustration qui domine.» Les manifestations étaient donc inéluctables: «On sentait des tensions palpables depuis plusieurs semaines. La hausse des prix du carburant, c'est un déclencheur.»