Faut-il craindre une déferlante «populiste» et europhobe lors des élections européennes de mai prochain ? L’arrivée au pouvoir du Mouvement Cinq Etoiles (M5S) et de la Ligue en Italie, du FPÖ en Autriche, la percée de l’extrême droite du SD en Suède ou de Vox en Andalousie, autant d’éléments qui peuvent le laisser penser. Le Rassemblement national (RN) français, qui a déjà lancé sa campagne, en fait le pari comme le montre son slogan de campagne : «On arrive !»
En réalité, le nombre de députés europhobes ou populistes ne devrait pas beaucoup varier. En effet, ces partis sont en recul ou affaiblis dans plusieurs pays, comme aux Pays-Bas, au Danemark ou encore Pologne. Ou alors, ils sont déjà largement présents : ainsi, le Front national est arrivé en tête en 2014 avec 24 eurodéputés (même s’il n’en reste plus que 16 dans le groupe aujourd’hui), un score qu’il n’a guère de chance d’améliorer. Surtout, le Brexit va priver les eurosceptiques du parti conservateur (19 sièges) et les europhobes du Ukip (19 députés)… Une compilation des sondages déjà effectués montre que les démagogues de droite passeront de 151 dans une assemblée à 751 sièges à une fourchette comprise entre 153 et 168 députés dans une assemblée réduite à 705 membres après le Brexit. Même si on ajoute la gauche radicale (GUE) et la cinquantaine de sièges qu’elle devrait conserver, l’euroscepticisme progresse (de 20 à 24% des sièges), mais ne bouleverse pas l’échiquier politique européen.
Mort du bipartisme
Le vrai enjeu est ailleurs : les démagogues seront-ils capables de s’unir pour réellement peser sur les travaux parlementaires, ce qu’ils n’ont jamais réussi à faire jusque-là, leur seul point commun étant leur détestation de l’Union… Une alliance entre la gauche radicale et la droite radicale étant exclue, la question se pose uniquement pour les partis de droite radicale style Droit et Justice (PiS) en Pologne, pour les démagogues purs style M5S et pour les partis d’extrême droite ou fascistes style RN, Vlaams Belang belge, PVV néerlandais, etc. Pour l’instant, ils sont éclatés entre trois groupes (les conservateurs eurosceptiques de l’ECR, l’EFDD formé autour du Ukip et du M5S, l’ENF dont la colonne vertébrale est le RN et la Ligue), sans compter quelques non-inscrits trop radioactifs comme le Jobbik hongrois ou l’Aube dorée grecque. Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur italien et patron de la Lega, a entamé des travaux d’approche avec le PiS et le FPÖ, en vain pour l’instant. De même, le M5S acceptera-t-il de siéger avec le RN et Vox au risque de perdre définitivement son identité ? Les incertitudes sont telles que nul ne peut dire s’il y aura un, deux ou trois groupes à la droite du PPE, le groupe conservateur.
Est-il aussi imaginable, comme le rêve l’idéologue de la droite radicale américaine Steve Bannon, que le PPE, qui restera le premier groupe, même affaibli (entre 180 et 188 députés contre 218), s’allie avec ces partis eurosceptiques et europhobes ? Cela paraît improbable, car son unité n’y résisterait pas. La seule chose qui est certaine aujourd’hui, c’est que le bipartisme entre conservateurs et socialistes est mort puisqu’ils n’ont aucune chance d’atteindre la majorité absolue ensemble. Il leur faudra s’allier avec les libéraux ou les Verts ou les deux. Ce qui n’exclura pas, comme aujourd’hui, des votes communs entre conservateurs et «populistes» sur certains sujets.