«Omanisation, saoudisation ou koweïtisation» : la volonté de «nationaliser» les emplois et de réduire le nombre de travailleurs immigrés est affirmée dans tous les pays arabes du Golfe. Il ne s'agit pas d'une tendance récente. L'enrichissement considérable et soudain de ces pétromonarchies désertiques et peu peuplées, dans les années 70, au lendemain du premier choc pétrolier, les a obligées à faire massivement appel à de la main-d'œuvre étrangère pour les besoins de leur développement.
Axe prioritaire
Très vite, le nombre de travailleurs expatriés s’est multiplié jusqu’à désormais constituer l’écrasante majorité de la population dans les plus petits émirats. Le record revient aux Emirats arabes unis, où Dubaï compte 90 % d’étrangers parmi ses plus de 2 millions d’habitants, tandis qu’à Abou Dhabi, ils sont 80 %. Même pourcentage au Qatar voisin, qui dépasse la moyenne globale des six pays membres du Conseil de coopération du Golfe, estimée à 70 %.
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La proportion est encore plus élevée en termes de population active. Ainsi, en Arabie Saoudite, si les étrangers ne comptent que pour un tiers des 30 millions d’habitants, ils occupent encore 56 % des emplois, et jusqu’à 84 % dans le secteur privé. Dans le cadre des réformes économiques menées au pas de charge ces dernières années par le prince héritier Mohammed ben Salmane, la création d’emplois pour les jeunes Saoudiens est un axe prioritaire. Une campagne agressive de «nationalisation» a été lancée début 2018 pour remplacer progressivement les travailleurs étrangers par des Saoudiens, en trois phases, dans douze secteurs d’activité.
Premier concerné, le commerce de gros et de détail dans l’habillement ou la maison, dont les magasins sont contrôlés par des fonctionnaires du ministère du Travail et du Développement social. Les employeurs sont appelés à respecter le quota de 70 % de salariés saoudiens dans les prochaines années, sous peine de sanctions ou d’amendes. L’objectif est d’autant plus difficile pour la rentabilité des entreprises qu’à poste équivalent, le salaire des Saoudiens peut représenter jusqu’à six fois celui des immigrés, asiatiques en particulier.
«Crise»
Le Koweït, pionnier dans la politique de nationalisation des emplois, vient de fixer une nouvelle fois un objectif de «koweïtisation totale de la fonction publique d'ici à 2028». Mais d'ores et déjà, il semble difficile à atteindre, en particulier dans les secteurs de l'éducation et de la santé, où 76 % des postes de travail sont encore occupés par des étrangers. Il reste très difficile de recruter des Koweïtiens pour ces emplois, peu attrayants financièrement pour les plus compétents.
Aux Emirats arabes unis, une loi datant de 1980 impose aux employeurs de ne pas embaucher d'expatrié quand un Emirien équivalent est disponible sur le marché et ils ne peuvent obtenir de visa de travail pour un étranger. «Pourquoi cette loi n'a pas été appliquée ?» s'interrogeait récemment un directeur du Conseil fédéral national du travail, au moment où les Emirats connaissent une période de ralentissement économique.
«La rengaine de la limitation des travailleurs étrangers revient à chaque fois qu'une crise économique se fait sentir, indique un entrepreneur arabe installé depuis trente ans à Abou Dhabi. A chaque période de crise et de mécontentement social, on relance la nationalisation nécessaire des emplois. On se met à licencier des travailleurs étrangers. Puis tout se relâche quand les affaires reprennent.» Car les gouvernements des pays du Golfe sont conscients de leur dépendance à la main-d'œuvre étrangère, leur développement ne pouvant reposer sur leur faible population.