Fin novembre 2018, à Gelsenkirchen dans la Ruhr, lors d'un match de la Bundesliga opposant le FC Schalke 04 à Nuremberg, une supportrice se plaint d'agression sexuelle. Un homme, explique-t-elle au stadier, a plusieurs fois essayé de lui agripper les fesses et de lui dégrafer son soutien-gorge. Ce dernier lui répond de rester chez elle et de regarder le match à la télévision si la chose lui paraît si insupportable. La supportrice a alors déposé plainte, et le club, mis en cause dans les médias, a promis de faire la lumière sur cette triste affaire.
Début décembre 2018, lors d’un match opposant le Dynamo de Dresde au FC Sankt Pauli (deuxième division), une bannière de supporters dresdois raille la venue de supportrices du club hambourgeois, en apostrophant délicatement leurs conjoints sur leur devoir de cuisinières :
«Vous allez avoir faim ce soir parce que vos meufs sont là ici avec vous» (et encore, on est sympa de traduire fotzen par «meufs», car le terme est en vérité bien plus misogyne).
Unappetitlicher geht es nicht mehr. #Dresden Fans am Millerntor. #FCSPSGD #sexismus pic.twitter.com/R5DXOBu5n1
— Stefan Groenveld (@rim_light) December 1, 2018
Ces navrants événements, survenus à quelques jours d'intervalle fin 2018, ne suffisent pourtant pas à occulter une réalité bien tangible : des supportrices de football, en Allemagne, il y en a. Des tas. Et ce n'est pas ce genre de convulsions machistes qui y changeront quoi que ce soit. On estime à environ 30% le nombre de spectatrices des matches de la Bundesliga, un chiffre qui croît avec une belle constance. En outre, fin 2017, l'Allemande Bibiana Steinhaus, en arbitrant un match de championnat, est devenue la première femme arbitre principale d'une rencontre de première division dans l'un des cinq principaux championnats européens.
Ce n'est pas tout. Des amatrices de football, il y en a partout, et pas qu'en Allemagne. C'est tout cela que met en lumière l'exposition itinérante «Fan.Tastic Females». A travers les portraits vidéo de 70 supportrices de football issues de 20 pays, de l'Iran à l'Ecosse en passant par l'Allemagne ou la France, le projet aspire à rendre plus visibles les tifose (1) du monde entier – telles que Dana, ultra de Düsseldorf de 15 ans ; Maria, supportrice d'Arsenal de 79 ans ; ou enfin Brigitte, 59 ans, fan du Mainz 05 en fauteuil roulant. L'exposition met également en scène des figures inspirantes du football féminin.
Ces jours-ci, on peut la voir à Leipzig, mais elle est destinée à voyager, notamment en Allemagne et en Suisse : en avril et mai on pourra la voir à Gelsenkirchen, par exemple, et plus tard à Bielefeld et à Potsdam.
L'une des initiatrices du projet, Daniela Wurbs, est l'ex-directrice du Football Supporters Europe (FSE), réseau européen de supporters – et, accessoirement, elle soutient le club de FC Sankt Pauli. De manière générale, le projet «Fan.Tastic Females» a été porté par un joli réseau de sportives et de féministes, outre-Rhin mais aussi chez le voisin autrichien – par exemple, la revue viennoise Ballesterer en est partenaire.
En France, une telle initiative ne serait peut-être pas superflue, surtout lorsqu'on se souvient que début décembre, le premier ballon d'or féminin était remis à la Norvégienne Ada Hegerberg… A qui le DJ Martin Solveig demanda immédiatement si elle savait twerker.
(1) Avis aux italianophiles : c'est le féminin pluriel de tifosi.