«Un célèbre président de notre pays avait dit en son temps : "Comprenez mon émotion."» Par ces mots, Félix Tshisekedi, nouveau président de la république démocratique du Congo, a repris jeudi le fil de son discours d'investiture, interrompu à cause d'un soudain malaise. Après une dizaine de minutes de panique au palais de la Nation, à Kinshasa, pendant lesquelles le pays tout entier a retenu son souffle, l'élu de 55 ans est remonté sur scène, débarrassé de son encombrant gilet pare-balles qui l'a «étouffé» au milieu de cette allocution historique.
Sur une estrade face à la tribune, Joseph Kabila souriait derrière ses lunettes d'aviateur. A l'occasion de cette cérémonie retransmise en direct à la télévision nationale, le président sortant, qui quitte le pouvoir après dix-huit ans à la tête de l'Etat, avait rasé sa barbe poivre et sel. Jamais depuis son indépendance, en 1960, le Congo n'avait connu pareille alternance pacifique. En plein soleil, des milliers de partisans de Tshisekedi étaient massés sur la pelouse, dans les arbres et autour du palais, pour hurler leur joie, la clameur recouvrant par moments sa voix.
«Comprenez mon émotion» : le nouveau chef de l'Etat faisait référence à une phrase prononcée par le dictateur Mobutu Sese Seko le 24 avril 1990, inaugurant le multipartisme au Zaïre au bout de vingt-cinq ans de règne.
Après avoir prêté serment, Félix Tshisekedi a insisté sur la «réconciliation» du pays. «Nous avons été votre fervent adversaire, monsieur le président. Nous n'oublions rien de nos combats politiques», a-t-il précisé, avant de rendre hommage à son prédécesseur - dont le parti reste majoritaire à l'Assemblée nationale -, décrit comme «l'un des acteurs de la matérialisation de l'alternance démocratique». Il a toutefois promis que le nouveau gouvernement allait «recenser tous les prisonniers politiques en vue de leur libération».
Le président élu a aussi témoigné de son «profond respect et [de sa] sincère administration» pour le «soldat du peuple» Martin Fayulu, «un exemple pour la vitalité de notre démocratie». L'opposant, qui conteste les résultats officiels de l'élection du 30 décembre - des fuites de fichiers électoraux le donnent vainqueur avec 60 % des voix -, n'était pas présent à la cérémonie.