Il faut peut-être se résoudre à l’inévitable. L’Union européenne, fatiguée des palinodies britanniques, n’a aucune intention de modifier le projet d’accord auquel elle est parvenue avec Londres, après deux ans de négociation au couteau. Le gouvernement de Theresa May avait topé avec Bruxelles : la Première ministre s’est elle-même reniée pour garder une fragile majorité au Parlement.
Comment se fier à l'inconstante Albion ? Ainsi, contre la volonté des peuples et des gouvernements, qui redoutent ses conséquences, le Brexit dur pourrait bien s'imposer de lui-même, comme une créature folle qui échappe à ses créateurs. Faute de s'accorder sur la moins mauvaise des solutions, on a choisi la pire. Bel exemple de souverainisme en actes. Beaucoup de commentateurs, d'acteurs ou de responsables, de part et d'autre de la Manche, annoncent en chœur une catastrophe. C'est pousser un peu loin le bouchon. Après tout, le peuple britannique a vaillamment résisté aux offensives de la Luftwaffe. Il survivra à l'épreuve du Brexit. On peut prévoir mille complications aux frontières, d'innombrables tracasseries administratives, le chambard dans certains secteurs comme la pêche, un renchérissement des produits à la consommation lié à l'instauration de nouveaux droits de douane, un ralentissement économique né de l'incertitude entretenue depuis des mois.
Tout cela est absurde, mais à long terme, le Royaume-Uni se retrouvera, vis-à-vis de l’UE, comme bien d’autres pays extérieurs qui commercent avec elle. Avec cette ironique conséquence en prime : pour échapper aux contraintes européennes, elle devra se soumettre, en moindre position de force, à celles de la mondialisation libérale. Censé protéger les classes populaires, le Brexit les soumettra à une concurrence plus rude et les privera des protections sociales en vigueur. Bien joué.