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Libération
Chronique «A l'heure arabe»

Présidentielle en Algérie : la très probable candidature de Bouteflika fait rire jaune

A l'heure arabedossier
A mesure que l'échéance présidentielle du 18 avril approche, les Algériens expriment une certaine lassitude teintée d'ironie face à la potentielle reprise du pouvoir de Bouteflika pour la cinquième fois alors que sa présence est spectrale à tout point de vue.
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika dans son bureau de vote d'Alger, le 4 mai 2017. (Photo Ryad Kramdi. AFP)
publié le 9 février 2019 à 17h08

Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes.

Si les quatre partis de la coalition au pouvoir en Algérie ont apporté leur soutien officiel en janvier à une candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, des dissidences se font de plus en plus entendre, à l’approche du scrutin du 18 avril, du côté d’autres partis ainsi que du côté de la presse et des Algériens qui ne manquent pas de moqueries à ce sujet.

Pour l'heure, Bouteflika n'a toujours pas fait part de ses intentions. Les candidats ont jusqu'au 3 mars minuit pour déposer leur dossier de candidature mais le Premier ministre Ahmed Ouyahia a d'ores et déjà affirmé qu'«il n'y avait aucun doute» sur une candidature du président au scrutin… Ce à quoi le Mouvement de la société pour la paix (MSP) – le parti algérien islamiste – rétorque : «Sa candidature à un cinquième mandat n'est pas dans son intérêt, mais dans celui de ceux qui tirent profit de cette situation. Ils assumeront l'entière responsabilité de ce qui découlera […] et des dangers qui menacent le pays.» Quant au plus ancien parti d'opposition, le Front des forces socialistes (FFS), et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), ils boycotteront le scrutin.

Bouteflika, 81 ans, est au pouvoir depuis 1999. Diminué par les séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC) dont il a été victime en 2013, il se déplace en chaise roulante et ses apparitions publiques sont rares. Le président ne s'est pas adressé directement à la population durant tout son quatrième mandat.  
Pour le Premier ministre, l'état de santé de Bouteflika «n'empêche pas sa candidature. […] Il a eu un AVC en avril 2013 et il a remporté la présidentielle en avril 2014 dans ce même état de santé.» Tout en précisant qu'il n'animera pas sa campagne électorale à cause de ces mêmes problèmes de santé.

«Indifférence royale»

C'est l'indifférence des Algériens qui dominerait, comme on peut le lire dans cette chronique du quotidien algérien El Watan : «Que pense le peuple de l'élection présidentielle ? […] Le moins que l'on puisse dire, à force d'être confronté avec un environnement social et politique qui nous est devenu tellement banal et tellement familier, c'est qu'il affiche dans une très large mesure une indifférence royale face à un événement qui aurait dû l'impliquer davantage et en priorité», «le peuple demeure le grand absent de cette consultation». Ou encore : «Depuis toujours, en réalité, le peuple n'a jamais été sollicité pour participer, en amont, aux joutes électorales.»

Le site satirique El Manchar, comparable au Gorafi français, puise dans cette potentielle énième candidature de Bouteflika une vraie source d'inspiration :

«يا ربي برك و ما يموتش» signifiant : «Dieu faites qu'il ne meurt pas.»

La lassitude des Algériens teintée de moqueries s’exprime aussi sur les réseaux sociaux.

D'autres saillies comme celle du militant des droits de l'homme Hadj Ghermoul n'échappent pas à la répression. D'après des témoignages donnés à la presse algérienne, c'est à cause d'un post Facebook où le militant brandit une pancarte sur laquelle est écrit «Non à un cinquième mandat» (du président Bouteflika) qu'un tribunal de la ville de Mascara l'a condamné à six mois de prison ferme et une amende de 30 000 dinars algériens (223 euros) pour «outrage à corps constitué». De leur côté, les autorités clament l'avoir arrêté lors d'un contrôle d'une patrouille de sécurité alors qu'il faisait un tapage, en état d'ébriété.