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Libération
Témoignage

Mary, 18 ans, enlevée, violée «Mes proches disent que ce bébé est un fardeau»

Mary et son bébé né d’un viol, dans un camp des Nations unies, à Bentiu, le 16 juillet. (Photo ANDREA CAMPEANU)
publié le 10 février 2019 à 20h36

Avec plus de 110 000 personnes enregistrées, le camp de protection des civils de Bentiu, dans le nord du pays, est devenu, de facto, l’une des plus grandes villes du Soudan du Sud. Les tentes s’étalent à perte de vue, il n’y a aucune intimité, peu de distractions. Régulièrement, Mary, 18 ans, vient chercher une bouffée d’air hors de chez elle, dans un espace géré par une ONG sud-soudanaise réservé aux enfants et aux jeunes. Les traits fins, la peau sombre, un petit anneau doré accroché à la narine, la jeune fille est originaire des montagnes Nuba, plus au nord. Fuyant les combats qui s’y déroulent, elle est venue près de Bentiu avec sa famille. Nouveaux affrontements, nouveau déplacement : elle est enlevée par les forces d’opposition.

Elle hésite à raconter son histoire, insiste sur le fait qu’elle a été bien traitée par les combattants. La population du camp, ici, est largement favorable à l’ancien vice-président devenu chef rebelle, Riek Machar.

Lorsqu'ils s'aventurent hors du périmètre de sécurité, des garçons et des jeunes filles sont parfois recrutés de force par les troupes gouvernementales, fidèles au président, Salva Kiir, et à son nouveau vice-président, Taban Deng Gai. Ceux qui parviennent à s'enfuir accusent. Mary, elle, se tait. Elle vit avec la famille de son oncle et un bébé, né des viols subis. Ses proches n'acceptent pas l'enfant, son oncle la bat souvent, et refuse d'acheter du lait pour son fils. «Ils disent que ce bébé n'a pas de père, qu'il est un fardeau, dit-elle. Et que je ne vaux rien.»