Ce week-end s'est tenu à New Delhi une réunion du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avant le grand rendez-vous d'octobre, à Lyon, où se tiendra la conférence triennale de financement de cette organisation internationale. En Inde, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, est venue pour «montrer la mobilisation française». Depuis sa création, en 2002, la France s'y est montrée active, en étant jusqu'à récemment le premier contributeur européen. L'enjeu est essentiel car, si les montants engagés baissent, tous les experts sont catégoriques, les épidémies redémarreront. Or les risques de relâchement des autorités sanitaires, mais aussi la stagnation des dépenses d'aide internationale sont bien réels. Analyse d'Agnès Buzyn, de retour de la capitale indienne.
Le directeur du Fonds mondial estime que l’objectif d’arrêter les trois épidémies à l’horizon 2030 s’éloigne. C’est votre sentiment ?
Les progrès réalisés grâce aux investissements dans le Fonds mondial sont immenses. Ils ont permis de sauver 27 millions de vies depuis sa création, en 2002. Mais ces efforts considérables doivent encore s’intensifier pour atteindre l’objectif d’élimination des pandémies d’ici à 2030. C’est la raison pour laquelle le Fonds mondial s’est fixé un objectif d’investissement de 14 milliards de dollars (12,4 milliards d’euros) au minimum, soit une augmentation de 15 % par rapport au précédent cycle de financement. La France maintient son engagement autour de ces enjeux majeurs de santé mondiale. Mais nous devons accélérer le mouvement, pour que l’ampleur du défi ne s’accroisse pas plus vite que notre capacité à y répondre.
La stagnation de l’aide internationale fait redouter un rebond des épidémies. Où trouver de nouveaux financements ?
Nous devons répondre à de nouveaux enjeux dans la lutte contre les pandémies, notamment la résistance croissante aux médicaments. Cela passe par un renforcement des moyens, mais également par une nécessaire collaboration entre tous les partenaires de santé, en particulier avec le monde de la recherche et de l’innovation. De nouvelles dynamiques doivent également être lancées. Les inégalités liées au genre, la discrimination et la stigmatisation contre des populations clés alimentent les épidémies. Nous devons faire sauter ces barrières pour favoriser l’accès de tous à la santé. C’est le message que portera la France en 2019 dans le cadre de sa présidence du G7.
Nous accueillerons également la sixième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à Lyon, le 10 octobre. La France est engagée auprès du Fonds mondial, tant pour mobiliser ses bailleurs historiques que pour inciter de nouveaux Etats, notamment les pays émergents, à apporter leur soutien. Mais nous misons aussi sur le secteur privé : particuliers, fondations ou entreprises ont beaucoup à gagner à se joindre à l’effort collectif pour la santé mondiale. Ceux qui y contribuent déjà le savent : la santé mondiale n’est pas une source de dépenses mais une remarquable opportunité d’investissement.
Des ONG disent pourtant que notre contribution au Fonds mondial est en baisse…
La France est le deuxième donateur historique au Fonds mondial, avec plus de 5,3 milliards d’euros versés depuis ses débuts. Elle a renouvelé un engagement financier constant à hauteur de 1,08 milliard d’euros pour la période 2017-2019. Par ailleurs, nous apportons un soutien spécifique aux pays francophones dans le cadre de l’engagement du Président à ce que notre aide publique au développement atteigne 0,55 % du revenu national brut en 2022. Cela se traduira, dès 2019, par 1 milliard d’euros additionnel pour les dons aux projets bilatéraux mis en œuvre par l’Agence française du développement, prioritairement en Afrique, en faveur du traitement des crises et des fragilités, du renforcement des systèmes de santé, de l’éducation, de l’égalité femmes-hommes et de l’environnement. Dans ce cadre, l’aide accordée aux projets dans le domaine de la santé augmentera de manière significative.
Quels sont les objectifs de la France pour la prochaine conférence de financement du Fonds mondial ?
Le Fonds mondial consacre près de 50 % de ses ressources à la lutte contre le VIH-sida. Depuis 2002, il a investi plus de 19,6 milliards de dollars (17,4 milliards d’euros) dans plus de 100 pays, ce qui correspond à plus de 20 % du financement international. Cela permet à 17,5 millions de personnes d’avoir accès à des traitements antirétroviraux vitaux sur les 21,7 millions de personnes sous traitement dans le monde en 2017. Malgré ces progrès, le sida tue encore 940 000 personnes chaque année et le nombre de nouvelles infections ne baisse pas assez vite. Nous devons poursuivre nos efforts, en France et à l’international, pour éliminer le VIH-sida.