Le 10 mai 1981, les Français ont découvert le visage de leur nouveau président de la République, François Mitterrand, sur une musique du groupe électronique allemand Kraftwerk.
Et les Allemands, qui aiment tant manger des asperges au printemps (au point d'avoir inventé l'inestimable machine à éplucher les asperges), ont découvert ce fabuleux légume grâce aux huguenots français.
Ces deux exemples témoignent de l’extraordinaire richesse de la relation franco-allemande. Car des histoires de ce type, il en existe des dizaines pour qui s’intéresse aux deux pays. Tout cela fait qu’au fond, chaque pays est pour l’autre à la fois curieusement familier et vaguement étranger.
Ceci dit, les Français connaissent-ils bien l'Allemagne ? Pas si sûr. C'est ce constat qui a présidé à la naissance de Karambolage, en 2004.
En quinze ans, l'émission, qui fête son 500e épisode, a donc eu l'infini mérite de leur apprendre que le Nutella allemand est plus solide que le Nutella français ; qu'un bon Erkältungsbad est un excellent remède contre le rhume ; que l'assassinat du jeune Benno Ohnesorg par un policier en 1967 est le prélude de mai 1968 outre-Rhin. Les Allemands, eux, ont pu y écouter des airs de Johnny Hallyday ; tenter de comprendre notre amour si français pour les escargots ; entendre parler de la si typique Fête de l'Huma.
Programme totémique d'Arte, Karambolage est court : ce sont onze minutes, rythmées par plusieurs rubriques, et un angle, toujours le même : les Français et les Allemands décryptés. Dans son cahier des charges, la créatrice du programme, Claire Doutriaux, ne voulait pas d'une émission «qui renforce les stéréotypes». Française, cette documentariste qui se décrit comme «une enfant du Traité de l'Elysée» (elle avait neuf ans en 1963), a vécu et travaillé dans les deux pays. Elle a imaginé l'émission comme un pont, tout en évitant de s'adresser trop ouvertement aux initiés ; elle ne voulait pas que Karambolage devienne «une émission pour les Allemands francophiles et pour les germanophiles de France». Autre ligne directrice : «l'anodin est pertinent». Ainsi, tout est raconté par des détails, des anecdotes. L'histoire par le petit bout de la lorgnette.
L'émission a diffusé 1500 sujets en quinze ans. On y parle de bonshommes de neige, de café latte ou d'Adenauer. Parmi les «chantiers» à développer : les sujets tournant autour des apports culturels des populations issues des immigrations, que ce soit en France et en Allemagne. Ainsi a-t-on déjà vu dans Karambolage l'histoire du Kolonya, ce flacon en verre cannelé d'eau de Cologne dont les Turcs d'Allemagne arrosent généreusement les mains de leurs invités afin de leur souhaiter la bienvenue.
Une consolation : si les Français connaissent moins bien l'Allemagne que les Allemands ne connaissent la France, ils sont en revanche plus nombreux à regarder Karambolage : l'émission rassemble 700 000 téléspectateurs en France, contre environ 250 000 en Allemagne.
Les temps changent : lorsqu'elle a commencé Karambolage en 2004, raconte Claire Doutriaux, «les Français étaient assez ignorants, et bardés de stéréotypes sur l'Allemagne. Il n'y avait pas l'effet Berlin, il n'y avait pas l'effet Merkel. Désormais, les Français viennent en vacances dans la capitale allemande. C'est devenu le New York de l'Europe en quelques années».