Il aura fallu près de cinq ans pour venir à bout du «califat» de l’Etat islamique décrété en 2014 par Abou Bakr al-Baghdadi sur le tiers ouest de l’Irak et le tiers est de la Syrie. Cinq ans de bombardements intenses des avions de la coalition internationale appuyés au sol par les forces kurdo-arabes. Cinq ans, c’est énorme au vu de l’asymétrie des forces en présence, armées occidentales suréquipées contre fous furieux moyenâgeux assoiffés de sang et de conquêtes : combien de morts, combien de destructions, combien d’exactions et d’attentats meurtriers durant ces interminables batailles ! Mais ce n’est pas si long quand on pense à l’emprise qu’ont exercée durant toutes ces années les hommes de l’EI sur l’ensemble de la planète. Il fut un temps où l’on n’imaginait pas pouvoir se débarrasser de l’hydre jihadiste avant une, voire deux décennies. Alors, bien sûr, la fin programmée du «califat» territorial, à laquelle notre envoyé spécial a assisté ces derniers jours et dont il témoigne du fracas et de la violence, est une excellente nouvelle. La preuve que l’union, même désordonnée, même trop tardive, peut faire la force - il est utile de le rappeler en ces temps de dangereux repli sur soi. Mais elle ne marque pas, loin de là, la fin du danger jihadiste. Ni le retour de la paix dans la région. Nombre de combattants de l’EI risquent de se fondre dans la population et de constituer des cellules dormantes susceptibles de se réveiller tôt ou tard. Et l’on ne parle même pas de ces femmes de jihadistes, ou jihadistes elles-mêmes, errant avec leurs enfants ou les enfants abandonnés du califat, de camps de déplacés en prisons ou plaines arides, dont nul ne sait plus que faire et qu’il faudra pourtant bien accueillir quelque part. Le califat n’a plus de territoire, mais il garde des adeptes, c’est pourquoi il faut se garder de crier victoire et surtout de relâcher la moindre seconde de vigilance. Là-bas mais aussi ici.
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