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Libération

A Bruxelles, le fiasco Alstom-Siemens relance la réforme de la concurrence

par Jean Quatremer, BRUXELLES (UE), de notre correspondant
publié le 17 février 2019 à 20h06

«Il y aura un avant et un après Alstom-Siemens : les règles de concurrence doivent servir l'intérêt européen.» Bruno Le Maire, le ministre des Finances, ne décolère pas après le veto posé par la Commission européenne, le 6 février, à la fusion entre les deux géants du rail européen. Et alors que la concurrence chinoise menace tous les fleurons industriels du Vieux Continent.

Pour une fois, Berlin est sur la même longueur d’onde que Paris : même si l’Allemagne a toujours fait discrètement de la politique industrielle, désormais elle en proclame haut et fort la nécessité après avoir été traumatisée par le rachat en 2016 de Kuka, l’un de ses fleurons robotiques, par le chinois Midea. Même les Néerlandais commencent à y réfléchir, c’est dire.

Or une politique industrielle conséquente passe par une réforme des règles de concurrence afin qu’elles ne jouent pas au détriment des seules entreprises européennes, comme actuellement. Sous prétexte que la Chine ne sera pas présente sur le marché européen de la très grande vitesse et de la signalisation ferroviaire (elle est présente dans tous les autres segments) avant cinq ou dix ans, elle considère qu’il est hors de question de restreindre la concurrence en Europe dans l’intervalle.

Pour Berlin et Paris, on est là dans l’irrationalité la plus totale : se mettre en ordre de bataille lorsque l’ennemi est déjà dans la cité, c’est la certitude de perdre la guerre. Résultat, ce qui paraissait impensable il y a encore quelque mois, une remise à plat des règles de concurrence, prend corps.

Plusieurs idées sont sur la table : obliger la Commission à valider des fusions a priori contraires aux règles en plaçant ces entreprises nouvelles sous surveillance et à ne plus apprécier l’état du marché à l’instant T, mais aussi son évolution future ; donner un droit d’évocation au Conseil de l’UE, définir des secteurs sensibles où les rapprochements sont nécessaires (ferroviaire, satellitaire, IA…), développer le financement public de l’innovation… Bref, l’UE veut cesser d’être l’idiote utile de la mondialisation.