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Libération
L'âge bête

Les sangliers sont entrés dans Hongkong

Poubelles renversées, habitants menacés... Faute de prédateurs, les cochons sauvages envahissent les zones urbanisées du territoire.
Dans le parc Aberdeen de Hongkong, le 25 janvier. (Photo Anthony Wallace. AFP)
publié le 17 février 2019 à 12h21

Chaque dimanche, retrouvez notre chronique «l'Age bête», le rendez-vous animal de Libération.

A Hongkong, la nature n'est jamais loin, aussi luxuriante que sauvage. Surtout lorsqu'elle surgit entre les gratte-ciel sous la forme d'une bête trapue de 200 kilos et de 2 mètres de long, aux canines et aux défenses acérées, la queue dressée en signe de colère. Le territoire chinois semi-autonome, constitué d'une péninsule et d'un archipel de 200 îles, s'étend sur 1 100 kmdont 75 % sont couverts d'une forêt tropicale humide où vivent de nombreuses espèces sauvages, singes, serpents ou porcs-épics. L'urbanisation se concentre sur un quart du territoire, notamment les étroites bandes côtières. Or, ces dernières années, des centaines de cochons sauvages ont abandonné la jungle et leur timidité naturelle pour errer dans les zones urbanisées, renversant les poubelles à coups de boutoir et effrayant les habitants.

Retraités chargés et mordus

Selon les autorités et la presse locales, dans la seule Hongkong Island, où se trouve le quartier financier, la population de sangliers est passée de 98 en 2013 à 324 en 2017. Animaux intelligents et dotés d’une grande capacité d’adaptation, ils se sont habitués à la proximité des humains, et n’hésitent plus à s’inviter dans les barbecues familiaux ou à semer la panique dans les centres commerciaux. Mais qu’un mâle se sente acculé ou qu’une mère craigne pour ses marcassins, et la bête sauvage se réveille. Ces derniers mois, deux retraités ont été hospitalisés après avoir été chargés et mordus, une femme a été attaquée à la sortie du métro, ainsi que deux étudiants.

Selon le Département hongkongais d’agriculture, de pêche et de conservation, environ 700 signalements de sangliers ont été effectués par les habitants en 2018, soit deux fois plus qu’en 2013. L’habitude prise par certains Hongkongais de nourrir les animaux sauvages pourrait être à l’origine du phénomène, ainsi que l’interdiction de la chasse en 2017, décidée pour des raisons de sécurité et à la demande des associations de défense des animaux.

L'an dernier, la vidéo d'un sanglier géant se nourrissant dans les poubelles a fait sensation. Depuis, les autorités cherchent à résoudre le casse-tête. Les injections de contraceptifs, lancées depuis l'arrêt des battues, ne semblent pas faire d'effet. Les propositions de campagnes d'euthanasie ont soulevé un tollé. Un député a émis l'idée de réintroduire des prédateurs sur le territoire, mais le gouvernement a argué que les léopards, lions ou tigres, disparus de Hongkong depuis le 20e siècle, poseraient des problèmes plus grands encore à la population. Un autre élu a pensé à les envoyer sur une île inhabitée, mais les biologistes ont rappelé que l'animal est un très bon nageur. En attendant de trouver une solution qui convienne à tous en cette année lunaire  du Cochon, les autorités ont lancé des campagnes d'information auprès des 7millions d'habitants, et les joggeurs évitent de s'aventurer seuls la nuit sur les sentiers du pic Victoria, qui domine la forêt de buildings de Central Hongkong.