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Libération
Chronique «Hébreu dis donc»

La campagne paranoïaque de Benyamin Nétanyahou

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Campagne d'affichage agressive, lancement d'une «Likoud TV» et instrumentalisation de l'armée : pour le Premier ministre israélien, tout est bon pour contrer les soi-disant complots visant à l'écarter du pouvoir.
Benjamin Nétanyahou à Jérusalem lundi. (Photo Menahem Kahana. AFP)
publié le 20 février 2019 à 6h21

La convocation tant redoutée peut tomber à tout moment. Le procureur général Avichai Mandelblit l'a promis : il fera part de sa décision de lancer ou non une procédure d'inculpation contre Benyamin Nétanyahou avant que les Israéliens ne se rendent aux urnes, le 9 avril. Les médias israéliens se font plus précis : le couperet pourrait tomber d'ici la fin du mois.

Si la procédure ne pourra empêcher, légalement, le Premier ministre de briguer un cinquième mandat, même mouillé dans trois affaires de corruption, elle serait un sérieux handicap. Une tâche d'ores et déjà si aveuglante qu'elle accapare les débats, transformant le scrutin en référendum sur la survie politique du tribun du Likoud, éclipsant toute autre question. Esseulé dans cette fuite en avant, Nétanyahou voit des ennemis partout. Et s'il poursuit ses attaques contre toute forme de contre-pouvoir, il tire aussi en direction de son propre parti, avec des résultats mitigés.

Les primaires du Likoud, début février, ne l'ont pas rassuré. Les militants de la formation historique de droite n'ont pas suivi ses instructions, boudant ses affidés et plébiscitant ses rivaux pour établir la liste des candidats aux législatives. Cas le plus édifiant : le comeback de l'ex-ministre de l'Intérieur Gideon Sa'ar, au vert ces dernières années, et qu'un Nétanyahou parano ou prévoyant, l'avenir le dira, avait accusé de fomenter un coup d'Etat institutionnel avec l'actuel président Reuven Rivlin visant à l'écarter du pouvoir. Résultat : Sa'ar est désormais cinquième de la liste Likoud, et assuré de retrouver un siège au parlement.

Transgression

Pour contrer les journalistes qui voudraient «décider» à la place des électeurs, comme le proclament de grands posters de son parti le long des routes, Nétanyahou a lancé sur Facebook début février une «Likoud TV» contre les «fake news» (soit l'évocation de ses casseroles). Il y donne libre cours à ses diatribes contre les juges, accusés eux aussi de comploter, mais avec «la gauche». Terminologie qui tient en Israël plus de l'invective que du concept politique et englobe, selon une autre campagne d'affichage du Likoud, tous ceux, ou presque, s'opposant à lui. Du général centriste Benny Gantz à l'ex-Premier ministre travailliste Ehud Barak, même pas candidat et ces derniers temps plutôt porté sur le cannabis médical.

Pour garder son avance (le Likoud est toujours crédité de 30 sièges dans la prochaine Knesset), Nétanyahou n'est plus à une transgression près. La dernière touche un symbole sacré en Israël : l'armée. Selon la loi électorale, aucun candidat ne peut s'arroger le soutien de Tsahal, ou laisser entendre qu'il en jouit. Nétanyahou avait pourtant bien compris, en s'octroyant le portefeuille de ministre de la Défense en décembre, qu'il pourrait multiplier les visites photogéniques auprès des troupes, sa doudoune fétiche sur le dos, comme on peut le voir sur la bannière de son compte Twitter. Las, le procureur général, encore lui, est venu rappeler la législation en vigueur, soit l'interdiction pour tout candidat d'utiliser des photos au côté de soldats sur son matériel de campagne. La loi, caillou dans la chaussure de «Bibi».