Le vent du matin soulève des nuages de poussière sur le chemin sableux qui mène à Palado. La poulie du seul puits de la localité couine sous le poids du seau brinquebalant. Ce village du centre du Sénégal compte 197 inscrits sur les listes électorales. A la sortie de la salle de classe nue qui sert de bureau de vote, Fatou Diop, 60 ans, parée d'un foulard jaune noué en hauteur et de boucles d'oreilles en or, dit qu'elle «n'a pas hésité une seconde» pour choisir son bulletin. «J'ai écouté la campagne à la radio, mais il n'y a pas eu de débat chez moi. Ici, nous sommes tous derrière le dirigeant», sourit-elle.
Palado appartient à la région de Fatick, d’où est originaire le président sortant, Macky Sall, 56 ans. Localement, sa victoire ne fait aucun doute. Dans le Sénégal rural de manière générale, il arrivera largement en tête du scrutin de ce dimanche, prédisent tous les observateurs. Mais cela suffira-t-il à l’emporter dès le premier tour, comme le clame «Macky» ? Pour la première fois depuis 1978, ni le Parti socialiste, phagocyté par la coalition au pouvoir, ni le Parti démocratique sénégalais, empêtré dans des querelles de succession depuis la défaite de son fondateur, Abdoulaye Wade, en 2012, ne présentent de candidats. Les plus sérieux adversaires de Macky Sall, le maire de Dakar, Khalifa Sall, et le fils d’Adboudalye Wade, Karim, ont été empêchés de concourir à cause de condamnations judiciaires. Le premier dort en prison, le second est exilé au Qatar.
«Macky n'a jamais perdu d'élection dans ce village», se rassure Taodou Ndiaye, venu voter en 4x4 à Maka Kahone, tout près de Palado. Le conseiller municipal, qui vit à Dakar, est membre du «parti dominant» : «On se connaît tous, on sait quelle famille vote pour quelle formation, mais tout se passe bien, il n'y a jamais de dispute, affirme-t-il. Pendant le mandat du Président, l'électricité à beaucoup progressé dans la zone, et beaucoup de forages ont été effectués, cela va jouer en sa faveur car l'accès à l'eau était très compliqué.»
La route nationale 1, en parfait état, traverse Maka Kahone. Vers l'est, elle court jusqu'au Mali. En face de la nouvelle mosquée verte et blanche, dont les minarets carrés sont encore en construction, des centaines de sacs de sel sont disposés sur le bord du goudron en attente de transporteurs. Ici, le sel du bras de mer brûle la terre sur des dizaines de kilomètres carrés. «Récolté manuellement dans les marais, c'est la première source de revenu des villageois, avec la culture de l'arachide», explique M. Faye, enseignant, dans le village voisin de Paracelle. Il a le doigt trempé d'encre violette, mais il refuse poliment de dire pour qui il a voté dans l'enceinte de l'école. «Le choix doit rester secret à proximité du bureau de vote, explique-t-il doctement. J'ai sélectionné mon candidat en fonction des programmes. Les Sénégalais ont une vieille habitude de la démocratie, chez nous le vote n'est ni ethnique ni clanique… Ou en tout cas de moins en moins.» Les premiers résultats sont attendus dans la soirée.