Même absents, ils occupent tout l'espace. Lundi et mardi, Sébastien Courtoy et Henri Laquay, les sulfureux avocats de Mehdi Nemmouche, ont opté pour la stratégie de la chaise vide lors du réquisitoire du parquet fédéral. Attitude étrange mais sont-ils à ça près ? Après plus d'un mois et demi d'audience, l'accusation a égrainé les preuves matérielles, loin des bouffonneries de la défense du jihadiste, qui clame son innocence envers et contre tout, et dénonce un pseudo-complot orchestré par le Mossad. Pourtant, le parquet a dénombré vingt-trois éléments accablants, faisant bel et bien du Roubaisien de 33 ans le suspect de l'attaque du musée juif de Belgique. «En vingt-sept ans de carrière, j'ai rarement vu autant de charges contre un accusé qui persiste à nier», a soupiré l'un des magistrats, Bernard Michel.
Jouant sur l'euphémisme, le procureur a poursuivi par ces mots : «Si attaquer un musée à l'arme de guerre n'est pas violent et bestial, alors rien ne sera jamais violent et bestial. Pour le tueur, pour Mehdi Nemmouche, l'identité des victimes importait peu. Le but en revanche, c'était qu'il y ait des victimes.» Le 24 mai 2014, Mehdi Nemmouche en a tué quatre, «toutes exécutées d'une balle dans la tête, signe que l'auteur n'était pas là pour discuter», dixit Bernard Michel. Parmi elles figurent Miriam et Emmanuel Riva, un couple de touristes israéliens.
«Absurde et insultante»
Par le passé, Miriam Riva avait travaillé pour le compte du Mossad. Simple civil, elle y avait réalisé plusieurs missions administratives. Une aubaine pour la défense complotiste de Nemmouche, qui enchaîne négations et sous-entendus. Aux yeux du procureur Bernard Michel, cette attitude est «déplacée, indécente et abjecte à l'égard des victimes», sur lesquelles elle fait peser «le poids de leur propre mort». Rappelant que l'Etat hébreu qualifie lui aussi la thèse de la défense «d'absurde et insultante», le magistrat cingle : «Si Israël avait estimé qu'il s'agissait bien d'un attentat ciblé contre ses intérêts, le Mossad serait venu lui-même mener l'enquête à notre place !»
Mutique depuis le début du procès, Mehdi Nemmouche est une fois de plus immobile lorsque le procureur passe au crible à sa personnalité. Délinquant récidiviste passé par la Syrie, «il n'est pas simplement radicalisé, mais archiradicalisé» pour le parquet fédéral. Qui n'hésite pas à comparer «sa haine des juifs» à celle «des nazis». C'est cette haine qui l'aurait poussé à «refaire le parcours de Mohammed Merah [le tueur au scooter de Montauban et Toulouse, ndlr]», qu'il considère selon Bernard Michel, «comme le plus grand mec que la France ait jamais connu».
L’audience se poursuit jeudi avec les plaidoiries des avocats de Mehdi Nemmouche. Un numéro au cours duquel les conseils ont promis de ne rien s’interdire.