En août 2015, alors que Donald Trump était en campagne pour la Maison Blanche, les images avaient fait le tour du monde. Un journaliste qui, lors d’une conférence de presse dans l’Iowa, interrogeait le futur président avec insistance sur son programme en matière d’immigration, avait été éjecté de la salle par la sécurité sans recevoir de réponse.
Le monde découvrait alors la longiligne silhouette et l’opiniâtreté de Jorge Ramos, le présentateur américano-mexicain du journal télévisé d’Univision, la chaîne hispanophone la plus regardée aux Etats-Unis. Les mauvaises relations entre la vedette médiatique et l’hôte de la Maison Blanche ont connu d’autres épisodes. Mais lundi, c’est le pire ennemi de Donald Trump qui s’en est pris à lui.
Camion d’ordures
Le président de la République bolivarienne du Venezuela avait accepté de recevoir l’équipe d’Univision au siège de la présidence, le Palais de Miraflores à Caracas, lundi en fin d’après-midi. Mais après dix-sept minutes d’entrevue tendue, il quitte brusquement le salon, furieux. D’après le récit qu’en a fait Jorge Ramos, l’équipe de sept personnes a dû remettre son matériel de tournage et ses objets personnels (téléphones, sac à dos…) avant d’être enfermée dans le noir. Elles ont été libérées au bout de deux heures pour être reconduites à leur hôtel, sans avoir pu récupérer ni leur caméra ni les images tournées.
La raison de la colère du successeur d'Hugo Chavez? Une vidéo que lui montre le journaliste, tournée par lui-même la veille dans les rues de la capitale. On y voit des jeunes hommes fouiller dans un camion de ramassage d'ordures et manger ce qu'ils y trouvent. Des images éprouvantes dans lesquelles un des jeunes demande à Maduro de quitter le pouvoir «parce que comme président tu sers à rien». Et de conclure: «J'ai 26 ans, je m'appelle Jesus et tu peux poster ça sur YouTube, où tu veux.»
Estas son las imágenes que @jorgeramosnews le mostró a Nicolás Maduro y que provocaron que Maduro se levantara de la entrevista, que retuvieran al equipo de Univision y que confiscaran su trabajo. Esto es lo que Maduro no quiere que vea el mundo. pic.twitter.com/UfSZ3lr5Jm
— Enrique Acevedo (@Enrique_Acevedo) February 26, 2019
«Un show»
Nicolas Maduro n'a pas fourni d'explication à son mouvement d'humeur. Les motifs sont venus de Jorge Rodriguez, le ministre de la Communication (que Libération avait rencontré en avril 2018), sur son compte Twitter: «Des centaines de journalistes sont passés par Miraflores, ils ont reçu le traitement respectueux que nous réservons à ceux qui accomplissent leur tâche journalistique, et ils ont publié leur travail. Nous ne nous prêtons pas à des shows de bas étage.»
X Miraflores han pasado centenas de periodistas que han recibido el trato decente que de forma habitual impartimos a quienes vienen a cumplir con el trabajo periodístico, y han publicado el resultado de ese trabajo. No nos prestamos a shows baratos
— Jorge Rodríguez (@jorgerpsuv) February 26, 2019
Le ministre a été plus explicite en répondant aux questions du quotidien espagnol El Pais: «[Le reporter] n'est pas venu pour réaliser une interview mais pour insulter et filmer en caméra cachée des zones de sécurité du palais. Nous avons mis fin à l'entrevue et ils sont rentrés dans leur hôtel.»
Jorge Ramos a fourni sa version de l’incident sur Twitter. Fidèle au style agressif qui a fait sa réputation, il a demandé au président socialiste s’il devait le qualifier «de président ou de dictateur». Les questions auraient ensuite porté sur les prisonniers politiques, la torture et la situation humanitaire, illustrée par la désormais fameuse vidéo.