Menu
Libération
Who run the world

«Charge sexuelle», pensions alimentaires, femmes afghanes : février dans la vie des femmes

Un mois dans la vie des femmesdossier
La militante afghane pour les droits des femmes Fawzia Koofi, des pilules, un coût financier qui fait partie de la «charge sexuelle», Christel, éleveuse qui veut accueillir des femmes battues dans sa ferme. (DR, AFP et France 3)
publié le 2 mars 2019 à 11h45

Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Quarante-deuxième épisode : février 2019.

Santé

Deux nouveaux traitements hormonaux soupçonnés d’entraîner des tumeurs

Ils sont prescrits aux femmes dans la prise en charge de la ménopause, des troubles menstruels et de l'endométriose. Après l'Androcur, deux médicaments, le Luteran et le Lutényl, ont fait l'objet d'une mise en garde de l'Agence du médicament en février, car ils comporteraient un «nouveau risque possible» de tumeurs cérébrales (ou méningiomes). L'ANSM s'est cependant montrée moins alarmiste que pour l'Androcur, dont l'utilisation est drastiquement encadrée depuis l'année dernière pour les mêmes raisons. Les cas associés à l'utilisation de ces deux médicaments, dérivés de la progestérone, «ne permettent pas de conclure, à ce stade, que les femmes qui [les] utilisent présentent un risque de méningiome plus élevé que celui observé dans la population générale», a souligné l'ANSM.

Pour déterminer si les patientes présentent bel et bien un surrisque de développer un méningiome, une étude va être conduite par une structure d'expertise publique. Une enquête de pharmacovigilance est également en cours. En attendant les résultats, l'ANSM a recommandé aux professionnels de santé (endocrinologues, gynécos, généralistes…) de ne pas les prescrire en cas d'antécédent de méningiome, et d'arrêter immédiatement le traitement en cas de diagnostic de méningiome. Les médecins devront désormais également «prescrire aux doses les plus faibles possible et sur une durée la plus courte possible» ces molécules.

En février, les médecins belges ont dit stop aux certificats de virginité, «inutiles pour la santé» et «sans pertinence scientifique».

Sexisme ordinaire

Pétition contre le catalogue sans femmes d’Ikea

Des meubles, des accessoires, et des hommes. Voilà ce que contenait une série de catalogues Ikea, distribués en Israël en 2017. Le choix délibéré de ne placer ni femme, ni fille dans les pages de la brochure avait fait scandale, et conduit la direction à retirer le catalogue de la circulation. Une pétition a été déposée auprès d'un tribunal de Jérusalem, pour réclamer la validation d'un procès en recours collectif, rapporte Courrier International. «L'exclusion totale des femmes et des filles de ce catalogue renvoie l'idée que les femmes n'ont aucune valeur, et qu'il y a quelque chose qui cloche avec leur présence, y compris dans le foyer», reprochent les plaignantes à la firme suédoise. Elles réclament 4 millions de dollars de dédommagement.

Ce catalogue a été conçu pour satisfaire la communauté juive ultraorthodoxe, qui représente environ 10 % de la population nationale, et qui ne tolère pas les représentations de femmes. Hillary Clinton avait fait les frais de cette pratique en 2011, avec le retrait de sa photo d'un journal ultraorthodoxe, tandis qu'Angela Merkel disparaissait mystérieusement des photos de la marche pour Charlie Hebdo. Il s'agit du seul pays dans lequel Ikea a distribué un catalogue sans femmes. Une production a été conçue pour l'Arabie Saoudite, mais sa diffusion n'a pas abouti.

En février, Libé s'est intéressé à ces objets du quotidien (toilettes, téléphones ou dispositifs de sécurité…) trop souvent conçus selon des normes masculines et aux premiers pom-pom boys du Super Bowl (et à leur traitement de faveur). On a aussi publié une tribune de membres du collectif Chair collaboratrice, qui dénoncent le sexisme toujours à l'œuvre à l'Assemblée, et organisé un forum autour de la question de la sous-représentation des femmes en politique. Quelques jours plus tard, Marlène Schiappa demandait aux ministres de nommer plus de femmes en Conseil des ministres. Et l'Académie française préconisait de féminiser les noms de métiers.

Corps, sexualité

Contraception, plaisir… Après la charge mentale, la charge sexuelle

Un nouveau fardeau mis au jour pour les femmes hétérosexuelles ? C'est en tout cas la piste explorée par Slate, qui analyse le concept de «charge sexuelle». Orgasme, désir, contraception… La charge sexuelle, c'est le poids des inégalités entre femmes et hommes qui se déploie dans la sphère de l'intime.

La charge sexuelle trouve une partie de ses racines au lit, avec le «fossé orgasmique» (popularisé en France par le succès du compte Instagram «T'as joui»), et qui part d'un constat simple : les femmes hétérosexuelles jouissent moins que leurs partenaires, et que leurs homologues lesbiennes. Mise en cause, la prévalence d'une sexualité phallocentrée, qui pousse les femmes à «souvent se caler sur le plaisir et la jouissance de leur conjoint au détriment de l'expression de leur propre désir», résume la journaliste Clémentine Gallot.

Lingerie, épilation, maquillage… La charge sexuelle, c'est aussi, pour certaines, un poids financier doublé d'une contrainte temporelle dans la poursuite d'un idéal de désirabilité, sans équivalent chez les partenaires masculins. Plus contraignant encore, les inégalités qui entourent la contraception. Alors que la pilule demeure le moyen le plus utilisé en France, et qu'elle génère des désagréments hormonaux pouvant conduire à des prises de poids ou des états dépressifs, l'article revient sur son coût financier, et l'indifférence qui peut régner chez les hommes. «Jamais un patient homme ne m'a posé une seule question sur la contraception, même juste pour savoir. Alors que les hommes sont fertiles 100 % du temps, et les femmes 20 % du temps», y raconte notamment une médecine généraliste de Paris.

Vie privée, famille

Non-paiement des pensions alimentaires : comment y mettre fin ?

La problématique concerne des dizaines de milliers de mères seules. En France, seules 40 % des pensions seraient totalement ou partiellement versées, selon l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), une agence créée en 2017 et très peu connue des familles monoparentales. Voté fin février, le projet de réforme de la justice prévoit une nouveauté pour ces dernières, en grande majorité des femmes, et qui vivent dans un tiers des cas sous le seuil de pauvreté : que les demandes de réévaluations des montants des pensions alimentaires puissent être gérées par la CAF et plus par un juge aux affaires familiales. Le texte, qui doit encore être validé par le Conseil Constitutionnel, inquiète les associations.

Dans une pétition en ligne, Stéphanie Lamy, cofondatrice de l'association Abandon de famille – Tolérance zéro, craint une dépénalisation du délit d'abandon de famille, constitué en cas de non-paiement de la pension alimentaire pendant plus de 2 mois. «Refuser de payer une pension alimentaire est une violence. Elle doit être punie», écrit-elle dans le texte, en réclamant une modification du Code pénal pour qu'il colle à la réforme. Interrogée par LCI, la militante plaide également pour la création d'une «agence de gestion des contributions alimentaires». «Une fois que les sommes seraient fixées, elles seraient enregistrées à l'organisme, rattaché au trésor public», explique-t-elle. «Le débiteur verserait l'argent à l'agence, et l'agence verserait quoi qu'il arrive les sommes fixées» à la personne censée les recevoir, même en cas de non-paiement.

A lire dans Libé ce mois-ci, un article sur la réforme du congé parental, «indispensable», selon le Haut Conseil de la famille.

Libertés, droits civiques

Les femmes afghanes disent non aux talibans

La paix, au prix de leur liberté ? Alors que les talibans pourraient prochainement revenir au pouvoir en Afghanistan, les femmes afghanes se sont mobilisées ce mois-ci pour dire non. Non à l'interdiction d'éducation des filles, non à la burqa obligatoire, non au travail prohibé pour les femmes, qui avaient marqué le règne du gouvernement taliban entre 1996 et 2001.

«Nous, femmes d'Afghanistan, ne reviendrons pas en arrière» scandaient plus de 600 femmes dans une lettre publiée le 26 février, soutenue par des organisations internationales, ainsi que des figures politiques et culturelles. «Les progrès que nous avons arrachés au prix de dures batailles sont maintenant menacés par un accord qui exclut nos intérêts, nos voix, et qui nie la représentation pour laquelle nous nous sommes tant battues.» Au début du mois, un appel similaire était lancé en direction des responsables politiques du pays, par le réseau Afghan Women Network, fort de 3 500 femmes afghanes et 125 organisations internationales. Dernier coup d'éclat en date, la députée et militante pour les droits des femmes Fawzia Koofi a participé à une rencontre avec les talibans. Ces mêmes fondamentalistes qui l'avaient menacée de lapidation pour son vernis à ongles, avant de jeter en prison son mari, et de tenter de l'assassiner une fois élue. Elle est venue leur dire, révèle l'AFP, que «leur misogynie et leurs préjugés ne prendraient plus jamais racine en Afghanistan».

En février, Libération a aussi parlé d'une application qui permet de contrôler les mouvements des femmes saoudiennes et des femmes égyptiennes qui renoncent au hijab. A lire aussi, une interview de Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique, sur le mythe de la crise de la masculinité.

Violences

Une ferme refuge pour les femmes victimes de violences conjugales

Une ferme qui accueille des femmes battues : c'est le projet de deux éleveuses de chèvres bio en Sologne. Les deux femmes, elles-mêmes victimes de conjoints violents, se sont rencontrées sur un site dédié aux agricultrices. Christel est allée chercher Agnès et ses enfants à 500 km du Loir-et-Cher. Elles veulent désormais venir en aide à d'autres femmes, en construisant plusieurs maisons sur le terrain de la ferme, pour les accueillir avec leurs enfants, expliquent les éleveuses à France 3. «En plus d'un hébergement, nous souhaitons leur proposer des activités participatives à la ferme, qui leur permettraient de lâcher prise et se ressourcer», peut-on lire sur la page de leur cagnotte en ligne, sur le site de financement participatif Blue Bees. Leur objectif, accroître leur cheptel pour vendre plus de fromages et rendre la ferme totalement rentable. Avec à la clé, l'idée d'un projet d'«agriculture au féminin» à vocation d'insertion sociale, «orienté fromages de chèvres et pourquoi pas plantes médicinales, maraîchage, miel et/ou filage de laine», envisagent-elles. 5 000 euros ont été récoltés pour l'instant.

L'actualité de février a aussi été marquée par l'affaire de la ligue du LOL, groupe privé Facebook accusé de cyber-harcèlement, qui a également touché Libération et entraîné le licenciement de plusieurs journalistes notamment aux Inrocks. Libé a aussi interviewé la militante féministe Valérie Rey-Robert à l'occasion de la sortie de son ouvrage Une Culture du viol à la française et Kadiatou Konate, mobilisée contre l'excision en Guinée, relayé la condamnation pour viol (en première instance) de deux policiers du 36 quai des Orfèvres et suivi l'affaire R. Kelly. Libé s'est posé la question du devenir des enfants victimes collatérales des féminicides, alors que deux sœurs ont été sollicitées pour aider financièrement leur père, 36 ans après l'assassinat de leur mère.

Education

Sciences Po lance un programme pilote sur l’égalité hommes-femmes

Sept étudiantes et deux étudiants du master Affaires publiques, à Sciences Po Paris, ont intégré, le 14 février, la première formation de l'établissement visant à leur «permettre d'anticiper les obstacles à l'égalité entre femmes et hommes qu'elles et ils affronteront au cours de leur vie professionnelle, de partager leurs expériences et de comprendre comment les inégalités se forment afin de pouvoir agir pour les réduire». L'institution de la rue Saint-Guillaume, qui s'est inspirée d'un programme américain de soutien et de formation des femmes se destinant à la politique, conjugue une soixantaine d'heures de cours théoriques sur les questions d'inégalité, avec des rencontres de personnalités telles que la secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, Brigitte Grésy, ou des femmes occupant des postes de premier plan dans des grandes entreprises. Un casting très orienté entrepreneuriat qu'on imagine mal laisser une grande place à l'intersectionnalité ou à la critique des mécanismes d'oppression inhérents au capitalisme, mais on ne va pas cracher sur un programme qui vise en tout état de cause à armer les femmes et à éduquer les hommes. Un mentorat est enfin mis en place pour accompagner les jeunes dans leurs premiers pas professionnels, notamment afin de savoir identifier les situations de harcèlement.

«Alors que le plafond de verre résiste dans tous les secteurs, les lois et les politiques publiques constituent un levier essentiel pour ouvrir les espaces de pouvoir aux femmes. En appui de ces politiques, les formations initiales et professionnelles et l'apport de la recherche doivent permettre aux jeunes diplômés de mieux comprendre ces inégalités et d'agir pour les réduire», explique dans un communiqué Hélène Périvier, économiste à l'OFCE et directrice du programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre (Presage) qui coordonne cette formation. Si celle-ci est un succès, elle sera étendue à davantage étudiants.

Dans la rubrique Pages Jeunes de Libé en février, La Ligue des super féministes de Mirion Malle, une BD qui montre aux plus jeunes l'omniprésence du sexisme et leur donne les clés pour changer la donne.

Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»

• Alors que l'onde de choc de la ligue du LOL a poussé les écoles de journalisme à faire leur introspection, Vanity Fair a regroupé les témoignages d'anciennes étudiantes, victimes à l'époque de harcèlement et d'un climat ambiant sexiste.

• «Personne ne s'est jamais plaint ou ému du voile couvrant la tête d'une femme faisant le ménage dans les tours de la Défense […] mais un tissu qui absorbe l'humidité sur le même crâne de la même femme qui veut juste pas suer sous son foulard en synthétique, et c'est la laïcité qui est en danger» : sur la polémique autour de la vente d'un hijab de sport par Décathlon, on se contentera de renvoyer vers la mise au point de la journaliste Nadia Daam, à lire sur Slate.

• Télérama a interrogé les créatrices des comptes féministes consacrés à la sexualité qui prolifèrent sur Instagram (Jouissance club, Clitrevolution, Merci beaucul…). Une révolution sexuelle sous contraintes, qui doit composer avec la censure de mise sur le réseau social.

• Il a 70 ans. Elle en a 15. Au Nigéria, les photos du mariage forcé du «couple» ont tourné sur les réseaux sociaux et choqué le pays. En réaction, trois jeunes adolescentes nigérianes appellent le gouvernement nigérian à faire passer de 11 à 18 ans l'âge légal du mariage. Leur pétition est à retrouver ici.

• Le site France Info s'intéresse aux «coordinatrices d'intimité», dont la mission est de veiller au consentement des actrices lors des tournages de scènes de sexe de certaines séries (Sex Education, The Deuce) à l'ère post-#metoo. C'est à lire ici.

«Des rapports sexuels sans désir, j'ai pas attendu d'être escort pour en avoir, comme la plupart des meufs […] Trop relier le désir et le consentement […] c'est aussi dire qu'il y a consentement dès qu'il y a désir». Dans le quinzième épisode d'Un podcast à soi, Charlotte Bienaimé interroge le sujet vieux comme le monde de la prostitution, qui divise profondément les féministes. A travers les témoignages d'une ancienne prostituée et d'une travailleuse du sexe en activité, l'une abolitionniste, l'autre pas, et puise dans des travaux sociologiques et littéraires pour aborder les notions de désir, de consentement, de choix.

• Le sexisme au tribunal, mais cette fois du côté des professionnels de justice. Slate s'interroge sur le recours à la misogynie par certains avocats dans leurs plaidoiries, lors de procès pour violences sexistes.

• A écouter enfin, le documentaire radio Traverser les forêts, coproduction RTBF et France Culture qui a remporté en février le prix Grandes Ondes. Des femmes y racontent le rapport qu'elles entretiennent aux lieux vus comme dangereux pour elles, comme la forêt ou la ville la nuit. Ça se passe par ici.