La rougeole avait totalement disparu des écrans radar de la prévention médicale du Costa Rica. Mais il a suffi qu'un enfant français de 5 ans, en vacances avec ses parents dans ce pays d'Amérique centrale, soit repéré par les autorités sanitaires de la province de Puntarenas comme porteur de ce virus ultra-contagieux pour relancer le débat sur l'intérêt de la vaccination. Le sujet est d'autant plus d'actualité que début mars, l'Unicef alertait sur la recrudescence «préoccupante» de cette maladie dans le monde et pointait la France comme l'un des dix pays à l'origine des trois quarts de l'augmentation des cas de rougeoles entre 2017 et 2018. Le cas de ce jeune touriste français au Costa Rica souligne les risques collectifs que fait peser la non-vaccination dans le monde. La directrice de l'Unicef, Henrietta Fore, rappelle qu'il existe pourtant «un vaccin sûr, efficace et abordable pour prévenir une maladie très contagieuse».
En vacances sur la côte Pacifique du Costa Rica, le garçon de 5 ans et ses parents – eux aussi infectés mais sans symptômes – ont été mis en quarantaine dans l’hôpital de Puntarenas deux jours après leur arrivée, dès l’apparition des premiers symptômes. Isolés dans une pièce à pression négative, ils n’ont pu sortir de l’hôpital – pourtant à 100 mètres de la plage – que huit jours après. Ils sont ensuite restés sous surveillance médicale dans leur villa avant de pouvoir repartir vers la France.
Contacté par Libération, le docteur Steven Villarreal, en charge de la vigilance épidémiologique à l'hôpital, explique: «La famille française était en isolement car il n'y a pas eu de cas autochtone au Costa Rica depuis 2005. L'apparition d'un cas de rougeole a activé les protocoles d'alerte pour éviter une crise avec de multiples cas au niveau national.» C'est avec une certaine fierté qu'il a relaté la façon dont les services de santé de l'Etat se sont affairés pendant deux semaines pour retrouver et vacciner les personnes avec qui les vacanciers avaient été en contact.
La France mauvaise élève
Positif, le médecin décrit même une «expérience enrichissante à tout point de vue», qui a permis d'expérimenter leurs protocoles et d'amener les parents qui ne l'avaient pas fait à immuniser leurs enfants. Ironie du calendrier: alors que le jeune Français n'était pas vacciné, le Costa Rica était en pleine campagne de vaccination contre la rougeole – obligatoire pour tous les enfants du pays – afin de conserver une couverture optimale (estimée à 95% par l'OMS) contre l'infection virale.
La France fait quant à elle figure de mauvaise élève. Bien que les deux doses qui doivent être injectées pour que le vaccin soit efficace sont recommandées depuis longtemps, et obligatoires pour les enfants nés depuis janvier 2018, seuls 79% des nourrissons les ont reçues en 2017. L’Hexagone est montré du doigt par l’Unicef comme dixième pays le plus touché par la recrudescence des cas de rougeole en 2018, avec une augmentation de 2 269 cas, pour atteindre 2 913.
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Françoise Salvadori – maître de conférences en immunologie et coautrice d'Antivax (éd. Vendémiaire), un ouvrage retraçant l'histoire de la résistance aux vaccins – précise à Libération que «la rougeole avait diminué en Europe après des vaccinations massives dans les années 1990-2000 […]. Elle ressurgit depuis dans plusieurs pays, par vagues, en partie en raison d'une méfiance croissante des populations».
Une «escroquerie scientifique» qui nuit à la vaccination
Depuis 1998, ce vaccin a mauvaise presse. En cause? Une étude établissant un lien avec l'autisme. Elle a depuis été réfutée comme une «escroquerie scientifique». D'autant que la rougeole reste perçue comme une maladie d'enfance bénigne qu'il «faut faire». Selon Françoise Salvadori, cette posture «oublie que certains sont plus fragiles que d'autres, ou auront moins de chance». Elle comprend la décision du gouvernement français d'opter pour l'obligation, même si elle déplore cette solution.
L’OMS a classé l'«hésitation vaccinale» comme l’une des 10 menaces sur la santé mondiale pour 2019. Le nombre de cas signalés ayant bondi de 170 000 en 2017 à 307 000 en 2018.
Pour expliquer cette augmentation, Françoise Salvadori rappelle que la rougeole se diffuse toujours par vagues, profitant des endroits où la couverture vaccinale est plus faible. C’est le cas au Brésil, où l’exode de Vénézuéliens a fait s’envoler les chiffres, passant de 0 à plus de 10 000 en un an !
L’Ukraine arrive en tête des plus fortes hausses de cas de rougeole dans le classement de l’Unicef, avec 30 000 cas supplémentaires en 2018 contre moins de 5 000 en 2017. Les pénuries et les défaillances des infrastructures sanitaires, ainsi que l’atmosphère de méfiance envers les vaccins sont mises en cause. A grand renfort de campagnes de communications, les autorités sanitaires rappellent que la rougeole a encore causé 110 000 morts dans le monde en 2017. Avec toujours la même recommandation: atteindre une couverture vaccinale de 95%.
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