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Libération

Sexisme au Bundestag : le grand tabou

publié le 6 mars 2019 à 20h46

Le jour où elle a été agressée par un député allemand, Agathe (le prénom a été changé) avait 27 ans. Elle travaillait depuis trois ans au Bundestag. Ce jour de 2017, à Berlin, elle rentre chez elle après un pot, et l'un de ses collègues la ramène devant son appartement. Il pleut, ils fument une cigarette, et elle se demande pourquoi il reste là. «Quand est-ce qu'il va prendre un putain de taxi ?» se demande-t-elle. Brusquement l'homme, 40 ans et bien plus grand qu'elle, la plaque contre un mur et tente de l'embrasser. Elle le repousse et se rue vers son appartement. Cette histoire, Agathe l'a racontée à BuzzFeed, qui consacre cette semaine une longue enquête au harcèlement sexuel et au sexisme au Bundestag. Le site livre quatre récits détaillés, dont celui de cette stagiaire qui, prenant l'ascenseur avec un député SPD (social-démocrate), s'entend dire à plusieurs reprises que, sous sa robe, elle n'a pas besoin de culotte.

De l’ex-députée SPD Dorothee Schlegel à la porte-parole FDP (Libéraux) Nicole Bauer, plusieurs personnalités politiques témoignent de l’existence de cas de harcèlement et agressions sexuels ou de sexisme au Bundestag, qui compte 9 000 employés. Mais le sujet est, en Allemagne, encore assez tabou. #MeToo n’a eu que peu d’effets outre-Rhin. Certes, des voix se sont élevées pour accuser, par exemple, le réalisateur Dieter Wedel de viol et d’agressions sexuelles, ou le patron d’une chaîne de télévision, Gebhard Henke, de harcèlement sexuel. Mais dans beaucoup de milieux, dont la politique, il ne s’est rien passé.

En Allemagne, il n’y a pas eu d’affaire DSK, pas d’affaire Baupin, pas d’affaire Darmanin, pas d’affaire Hulot. Pas d’initiatives ou de prise de parole commune. Le sujet semble invisible. En outre, il existe peu de structures permettant de recueillir ce genre de paroles. Hasard du calendrier, cette enquête sort alors que l’Allemagne célèbre non seulement le centenaire du droit de vote des femmes, mais aussi le centenaire de leur éligibilité.