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Libération
chronique «à l'heure arabe»

Au Liban, la difficile mobilisation contre les mariages malheureux

Pour le mariage civil, contre le mariage précoce, des groupes de Libanais sont descendus dans la rue ces dernières semaines pour réclamer un changement des lois rétrogrades en vigueur. Mais l’opposition des autorités religieuses musulmanes et chrétiennes reste la plus forte.
Des manifestantes à Beyrouth, le 2 mars. Sur la pancarte : «La fin des mariages d'enfants commence en les éduquant.» (ANWAR AMRO/Photo Anwar Amro. AFP)
publié le 9 mars 2019 à 15h01

Tous les samedis, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes.

Brandissant des pancartes où l'on pouvait lire «Pas avant 18 ans» ou «Ils ont conduit des fillettes vers la mort», quelques centaines de manifestants ont défilé le 2 mars à Beyrouth contre le mariage des mineures. Cette pratique courante depuis toujours, notamment dans les milieux chiites au Liban, est devenue un véritable fléau ces dernières années parmi les réfugiés syriens, qui vivent pour beaucoup dans des conditions misérables. Les cas de mariages de filles âgées de 12 à 16 ans, forcées par leurs familles qui cherchent une dot ou veulent simplement se défaire d'une bouche à nourrir, se sont multipliés, avec des conséquences souvent dramatiques. Fréquemment, la mort d'une adolescente est rapportée par les médias ou les ONG après des violences sexuelles, un accouchement précoce ou un suicide.

L’âge minimal du mariage au Liban varie selon les règles des communautés religieuses. Certaines autorisent les jeunes à se marier à 14-15 ans, voire dès 9 ans. La revendication du collectif mobilisé sur la question est l’adoption par le Parlement d’une législation unique, s’appliquant à tous les Libanais et fixant l’âge du mariage à 18 ans. Une poignée de jeunes députés de différents partis ont présenté des projets de loi dans ce sens. Mais le plus gros bloc au Parlement est formé par les élus du Hezbollah, l’un des opposants les plus farouches à un changement de la législation.

Une bataille récurrente

Quant à la question du mariage civil, qui suscite manifestations et débats depuis une quinzaine de jours, c’est une bataille récurrente qui resurgit depuis des décennies. Il ne s’agit pas de réclamer une loi autorisant le mariage civil, mais d’un appel à ce que l’Etat reconnaisse la validité des unions célébrées sur le territoire libanais. Jusque-là, en effet, les couples de communautés différentes vont conclure leur union à l’étranger et parviennent à la légaliser au Liban.

Mais à peine le débat relancé, les autorités religieuses se sont empressées de mettre leur veto. «Nous refusons le mariage civil parce qu'il va à l'encontre de la Charia», a réaffirmé la plus haute instance sunnite libanaise. Le conseil supérieur chiite lui a emboîté le pas, opposant une fin de non-recevoir au mariage non religieux. Du côté chrétien, le patriarche maronite Bechara Raï, après un temps d'hésitation, a rallié la position des religieux musulmans.