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Libération

Et si le mollah Omar était resté caché en Afghanistan ?

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publié le 11 mars 2019 à 20h36

Du mollah Omar, on ne sait quasiment rien. La date exacte de sa naissance, entre 1959 et 1962, n’est pas connue. Celle de sa mort, en avril 2013, n’a été révélée que deux ans plus tard. Il n’existe que quelques photos, floues, du fondateur borgne du mouvement des talibans. Et parmi les questions à son sujet, une n’a cessé de se répéter dans les années qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001 : où est-il ?

«Au Pakistan», ont toujours répondu les services de renseignement afghans et la CIA. Bette Dam, journaliste néerlandaise, vient de livrer une autre réponse : le mollah Omar, dont la tête était mise à prix 10 millions de dollars, n'a jamais quitté l'Afghanistan. Il a vécu successivement dans deux maisons de la province méridionale de Zaboul, non loin de son fief de Kandahar, et à quelques kilomètres d'une base de l'armée américaine. Alors qu'on le disait à Karachi, la mégalopole pakistanaise, à Quetta ou dans la province rétive du Balouchistan, il vivait coupé du monde dans une maison en torchis du sud afghan, juste à côté de ceux qui le traquaient.

La thèse ne plaît pas à Kaboul et Washington. «Nous nions catégoriquement cette affirmation délirante. […] Nous avons suffisamment de preuves qui montrent qu'il vivait et qu'il est mort au Pakistan. Point !» a tweeté le porte-parole de la présidence afghane, Haroon Chakhansuri. «Cette soi-disant enquête n'est rien d'autre qu'une manipulation pour permettre à l'ISI [services de renseignements militaires pakistanais, ndlr] de nier que la choura de Quetta [l'organe de direction des talibans] existe», s'est agacé de son côté un ex-directeur des services afghans, Amrullah Saleh. «Nous avions accès à tout l'Afghanistan et je serais très surpris que le mollah Omar ait pris ce risque», a réagi l'ex-directeur de la CIA et chef des forces étrangères en Afghanistan David Petraus, dans le Wall Street Journal.

Le récit de Bette Dam, publié dans le livre A la recherche d'un ennemi (non traduit du néerlandais) s'appuie surtout sur le témoignage de Jabbar Omari, ex-garde du corps du mollah Omar. Aujourd'hui détenu à Kaboul par les services afghans, il n'a pas quitté le chef taliban depuis sa fuite de Kandahar, fin 2001, jusqu'à sa mort. C'est lui qui a trouvé une maison, appartenant à son chauffeur, à Qalât, capitale de la province de Zaboul : une bâtisse traditionnelle construite autour d'une cour. Le mollah y vit séparé du reste de la famille, reclus dans une pièce à l'entrée cachée dont il ne sort quasiment jamais. Par deux fois, les soldats américains sont tout proches. La première, ils passent juste à côté de la maison. Mais le Mollah et son protecteur restent cachés derrière une pile de bois.