Le hurlement des sirènes en plein Tel-Aviv, à moins d'un mois des élections législatives : un son devenu presque incongru et une première depuis la guerre menée à Gaza durant l'été 2014, hormis une fausse alerte fin 2017.
Jeudi soir, peu après 20 heures, l'alerte a pourtant sonné pour de bonnes raisons : deux roquettes longue portée ont été tirées depuis l'enclave sous blocus en direction de la métropole israélienne, où vivent, banlieue comprise, plus de deux millions d'habitants. Les batteries antimissiles du système de défense israélien «Dôme de fer» ont été activées mais n'ont pas intercepté les projectiles, tombés hors des zones habitées sans faire de blessés, ni de dégâts.
Viser Tel-Aviv est un symbole en soi. Une façon d'enflammer la psyché israélienne et une ligne rouge que les factions palestiniennes ne franchissent qu'au climax d'une escalade militaire. Rien de tout cela ici : l'attaque a provoqué la stupeur de l'appareil militaire israélien, selon les mots de son porte-parole. De la kirya de Tel-Aviv, le QG de Tsahal, le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a pris son temps avant d'ordonner sa riposte, pressé par ses rivaux – à sa droite comme à sa gauche – à la plus grande dureté, éternel argument électoral. A l'instar du général et espoir centriste Benny Gantz (qui dirigea l'opération «Bordure protectrice» contre Gaza en 2014 en tant que chef d'état-major), réclamant une réponse «sévère» afin qu'Israël retrouve sa «force de dissuasion».
Signe exceptionnel d’apaisement
Finalement, ordre a été donné dans la nuit à l'aviation israélienne de bombarder une centaine de «cibles» le long de la bande de Gaza, toutes évacuées par le Hamas. Les services de l'armée israélienne disent avoir détruit le centre de commande du mouvement pour ses opérations en Cisjordanie, ainsi que plusieurs postes militaires et un atelier souterrain de fabrication de roquettes.
Selon les autorités de la bande de Gaza, sous la férule du Hamas depuis 2007, les frappes ont fait deux blessés légers à Rafah, dans le nord du territoire palestinien. «Une réponse mesurée», juge la plupart des analystes israéliens, cherchant à la fois à satisfaire l'opinion publique avec un nombre de cibles à trois chiffres tout en évitant d'enclencher un engrenage meurtrier avec le Hamas, lequel a juré «ne pas être intéressé par une escalade militaire».
A l'aube, neuf nouvelles roquettes, dont six interceptées par le Dôme de fer, ont été tirées en direction du pourtour israélien de Gaza, signant vraisemblablement la fin du round. De part et d'autre, un pilonnage de pure forme.
En signe exceptionnel d'apaisement, les factions de Gaza ont suspendu les manifestations du vendredi le long des barbelés frontaliers. Une première depuis les débuts de «la Marche du retour», lancée il y a presque un an et dont la répression à balles réelles des snipers israéliens a fait près de 200 morts.
Erreur humaine
Reste une question, majeure, qui agite les deux camps, façon roman d'Agatha Christie : qui a tiré sur Tel-Aviv ? Le Hamas et sa branche armée, les brigades Al-Qassam, ont nié avec aplomb, le mouvement islamiste au pouvoir assurant qu'il «prendrait des mesures contre les responsables».
Le Hamas souligne que ses dirigeants étaient au moment même de l'attaque en négociation avec une délégation sécuritaire égyptienne, qui tente depuis l'été dernier d'établir les termes (tant économiques que militaires) d'une trêve de longue durée entre les factions palestiniennes de Gaza et Israël. Dénégations visant à atténuer la riposte de Tsahal ? Ou bien groupe dissident – interne ou externe au Hamas – cherchant à jouer les «trouble-trêve», alors que les millions du Qatar continuent à parvenir jusqu'au Hamas avec l'aval de Nétanyahou ?
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En Israël, les experts galonnés, à l'instar de Yaakov Amidror, ex-conseiller à la Sécurité nationale, pointent vers l'autre «usual suspect» : le Jihad islamique. Et à travers lui, l'Iran. Cette faction palestinienne, sous perfusion idéologique et financière de Téhéran, est présentée comme la seule, avec le Hamas, à avoir à la disposition de son bras armé des roquettes d'une portée suffisante pour atteindre Tel-Aviv. Dans les affrontements périodiques avec Israël, le Jihad islamique a pris l'habitude de jouer la surenchère savamment dosée pour se positionner en seuls «vrais résistants» face à un Hamas accusé de compromission et de tiédeur, vilipendé en «Fatah barbu». Problème : le Jihad a lui aussi réfuté toute implication.
Dernière théorie, qui arrange tout le monde : l'erreur humaine. Selon les premières conclusions du renseignement hébreu relayées par la presse, des «agents de bas niveau» du Hamas auraient déclenché les lanceurs de roquettes durant une procédure de maintenance. Hypothèse déjà avancée, en octobre, lors de la destruction d'une maison à Beer Sheva, au sud d'Israël, par une roquette Qassam amorcée accidentellement. Le «coupable» cette fois-là ? La foudre.