Krymnach : néologisme formé à partir du mot «Crimée» et du possessif «à nous», né au moment de l'annexion de la péninsule ukrainienne par la Russie, en 2014, pendant que l'Ukraine était secouée par la révolution de Maïdan. Après un référendum orchestré par Moscou le 16 mars, à rebours du droit international, la Crimée a été arrimée à la Russie.
Officialisée le 18 mars, cette annexion, «rattachement» en langage kremlinois, est immédiatement devenue le symbole du règne de Vladimir Poutine, tout en clivant profondément la société russe. Pour les uns - une majorité qui a culminé à plus de 80 % -, le Président était «le rassembleur des terres russes», qui a ramené à bon port la Crimée et Sébastopol, la base de la flotte russe en mer Noire. Pour les autres - une minorité stigmatisée comme antipatriotique par la propagande officielle -, un autocrate sans foi ni loi qui, en faisant main basse sur le territoire d'un voisin souverain, s'est mis au ban du monde civilisé.
L’opération «Krymnach» marque aussi un tournant dans les relations internationales. En empochant la Crimée à la barbe des Occidentaux médusés, Poutine a renversé la table et adopté un nouveau style de comportement géopolitique. Fini le dégel tenté par Barack Obama, la Russie montrait ses crocs et ses muscles. En Ukraine, en Syrie. L’isolement diplomatique de la Russie n’a cessé de croître depuis cinq ans.
Les Occidentaux, qui n’ont jamais reconnu ni le référendum ni l’annexion, ont déployé contre Moscou un éventail de sanctions économiques. Les Etats-Unis, l’Union européenne, le Canada ou encore le Japon ont limité l’accès à leur territoire et gelé les actifs d’une liste de personnalités qui n’a cessé de s’allonger. Des banques et des entreprises, militaires et énergétiques, ont été visées. En retour, la Russie a instauré un embargo alimentaire, en limitant l’importation de produits européens sur son territoire. L’économie russe, qui s’essoufflait déjà et souffrait de la baisse du prix du baril, a été plombée par ces sanctions, nonobstant les discours officiels bravaches : dévissage du rouble, baisse des investissements étrangers, passés de 70 milliards à 7 milliards de dollars en cinq ans, chute du pouvoir d’achat… Ce qui n’empêchait pas l’Etat d’investir des milliards dans la péninsule de la discorde, qu’il fallait relier au continent par un pont, inauguré l’année dernière, et doter d’infrastructures vitales.
Krymnach et «le printemps de Crimée» fêtent leurs cinq ans ce lundi, et Poutine sera présent aux célébrations. Mais selon les derniers sondages, la magie est en train de se dissiper. Fin 2014, ils étaient 67 % de sondés par la Fondation de l’opinion publique à considérer que le rattachement de la Crimée a fait plus de bien que de mal à la Russie. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 39 %.