La séquence vaut son pesant de cacahuètes. Ce 20 février, Benjamin Smith, le nouveau directeur général d'Air France-KLM, fait sa première sortie officielle pour présenter les résultats financiers du groupe. Escorté par cinq agents de sécurité, il prend place à côté de Pieter Elbers, le directeur général de KLM. Pendant plus d'une heure, les deux hommes sont tout sourires et confidences dès qu'un temps mort le leur permet. Pure façade. En réalité, ils ne se supportent pas. Pire, quelques jours auparavant, Smith a tenté de virer sans ménagement Elbers. Une histoire de querelles d'ego et de pouvoir liée aux velléités d'indépendance de KLM vis-à-vis de sa maison mère. «Anne-Marie Couderc, la présidente du conseil d'administration, passe du temps à essayer de les calmer», raconte, un peu navré, un dirigeant d'Air France.
Carrure athlétique, regard bleu perçant, Elbers, 48 ans, est un pur produit KLM. Il a fait toute sa carrière dans la compagnie et a notamment dirigé l'escale de Tokyo. Nommé directeur général en 2015, «il a transformé KLM en cherchant constamment à développer de nouvelles lignes rentables», estime Steven Verhagen, commandant de bord et ex-président du syndicat des pilotes. Il en a retiré une étonnante adhésion des salariés. Lorsqu'en février, Elbiers a été plus proche de la porte que de la promotion, une pétition de soutien a rassemblé 24 000 signatures chez KLM. «Je me suis dit qu'il était important qu'il sache que nous sommes derrière lui», détaille Frank Van Der Werff, du syndicat VKP à l'origine du soutien.
Légitimé par ses troupes, Elbers, surnommé «street fighter» («combattant de rue»), n'en a pas moins un caractère ombrageux. «Il peut sauter dans le premier avion pour débarquer à Paris et dire qu'il n'est pas d'accord avec une décision prise par la direction d'Air France-KLM», note un administrateur. Un ex-dirigeant d'Air France se souvient de certaines de ses mimiques : «Lorsqu'il n'obtient pas ce qu'il veut, sa mâchoire se crispe, il devient blême et boude jusqu'à la fin de la séance.»
Visiblement renforcé dans ses fonctions, Pieter Elbers serait même en passe d’être augmenté. Une manière de réduire l’écart avec Benjamin Smith, recruté cet été avec un salaire annuel de 4,2 millions d’euros.