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Trump et Bolsonaro affichent leur complicité à Washington

Le président américain a reçu mardi à la Maison Blanche l'un de ses plus fervents admirateurs.
Jair Bolsonaro et Donald Trump, mardi, à Washington. (BRENDAN SMIALOWSKI/Photo Brendan Smialowski. AFP)
publié le 20 mars 2019 à 6h48

Election sur un message de rupture, politique populiste, rejet du multilatéralisme et utilisation compulsive de Twitter : les points communs entre le président américain Donald Trump et son homologue brésilien Jair Bolsonaro, qu'il a chaleureusement reçu mardi pour une visite officielle à Washington, ne manquent pas. A la Maison Blanche, les deux leaders n'ont eu de cesse d'afficher leur complicité, et de vanter la proximité inédite entre leurs deux pays. Bolsonaro, parfois surnommé le «Trump des tropiques», disant son «admiration» au président américain; le magnat de l'immobilier félicitant l'ancien capitaine de l'armée de terre pour son «travail fantastique» depuis son arrivée au pouvoir, le 1er janvier. Loin de ses prédécesseurs qui s'efforçaient de se tenir à distance des grandes puissances, Bolsonaro affiche un pro-américanisme assumé et enthousiaste. «Pour la première fois depuis longtemps, un président brésilien qui n'est pas anti-américain arrive à Washington, avait tweeté Bolsonaro dimanche. C'est le début d'un partenariat pour la liberté et la prospérité, que les Brésiliens ont toujours souhaité.»

Pression

Lors d'une conférence de presse conjointe dans les jardins de la Maison Blanche à l'issue de leur réunion bilatérale, Jair Bolsonaro a même entonné le refrain antimédias du président américain, utilisant l'expression «fake news» chère à Trump. Qui s'est à son tour dit «très fier» d'être ainsi cité par son homologue brésilien. Interrogé un peu plus tard sur l'évolution des relations entre Brasilia et Washington dans l'éventualité d'une alternance politique en 2020, Bolsonaro a même pronostiqué un second mandat de l'actuel occupant de la Maison Blanche : «Je pense que Trump sera réélu», a-t-il avancé en souriant («Je suis d'accord», a répondu le président américain).

Les deux leaders ont mis en avant la «similarité» de leur approche dans de nombreux dossiers. Et notamment sur la crise au Venezuela, pour laquelle le Brésil peut jouer un rôle d'intermédiaire. Les deux présidents ont fait encore monter la pression sur le président Nicolás Maduro, dont ils réclament le départ depuis qu'ils ont reconnu l'opposant Juan Guaidó comme président par intérim. «Nous appelons les militaires vénézuéliens à mettre fin à leur soutien à Maduro», a une nouvelle fois intimé Donald Trump, évoquant de possibles sanctions «beaucoup plus dures» qui pourraient être imposées contre Caracas. «Toutes les options sont sur la table», a-t-il répété, tout en restant évasif sur une éventuelle intervention militaire, aussitôt imité par son homologue brésilien.

Courbettes

«C'est une bonne journée pour les deux présidents, note Brian Winter, spécialiste du Brésil au think tank Council of the Americas. Il n'y a pas d'autre leader au monde qui soutienne autant Trump que Bolsonaro, ce qui semble flatter l'ego du président américain. Quant à Bolsonaro, il peut bénéficier de la légitimité que lui apporte cette mise en lumière sur la scène politique la plus importante du monde : la Maison Blanche.» Mais «au-delà du théâtre et en termes de substance», les résultats sont «un peu plus compliqués», analyse Brian Winter.

Après les courbettes, le président de la première puissance d’Amérique latine a quitté la Maison Blanche avec certains engagements : Donald Trump s’est dit prêt à accorder au Brésil le statut d’allié majeur non-membre de l’Otan, et a même évoqué, à la surprise générale, une possible adhésion de la première puissance économique d’Amérique latine à l’Alliance atlantique. Le président américain a également affirmé que les Etats-Unis soutiendraient les efforts du Brésil pour intégrer l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le Brésil avait, lui, annoncé la veille qu’il autoriserait les Etats-Unis à lancer des satellites depuis le centre spatial d’Alcantara, dans l’Etat septentrional de Maranhao. Une décision qui doit d’abord être entérinée par le Congrès brésilien. Autre signe de bonne volonté, Brasilia a également accordé une exemption de visa pour les citoyens américains (mais aussi canadiens, japonais et australiens) à compter de juin.

«Concession»

Ces mesures sont «certes le signe d'une plus forte coopération commerciale et sécuritaire entre les deux pays, reprend Brian Winter. Mais Bolsonaro a dû faire une grosse concession : le communiqué commun publié par la Maison Blanche indique que le Brésil accepte de sacrifier son statut spécial de pays en développement au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)», un statut autodéterminé qui permet à de nombreux pays (dont des grandes puissances comme l'Inde ou la Chine) de bénéficier d'avantages de la part du gendarme du commerce mondial – plus de subventions agricoles que pour un pays développé, délai plus long pour mettre en place les accords, etc.

Les Etats-Unis, qui s'en plaignent depuis longtemps, ont d'ailleurs rédigé mi-février un projet de réforme de l'OMC, pour faire sortir certains pays de cette catégorie. Et notamment, les pays membres ou candidats à l'OCDE. «La perte de statut différencié aura de lourdes conséquences pour le Brésil, et pourra lui coûter cher dans de futurs différends commerciaux», insiste Brian Winter. Quant au statut d'allié majeur non-membre de l'Otan, c'est loin d'être une première pour un pays d'Amérique latine : l'Argentine l'a obtenu en 1998. La Colombie a, elle, rejoint l'Alliance atlantique en tant que «partenaire mondial» l'an dernier.