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Polices

Le Parti communiste chinois charge l'ex-patron d'Interpol

Six mois après la disparition rocambolesque du vice-ministre chinois de la Sécurité publique, l'organe disciplinaire a déclaré Meng Hongwei coupable de «violation de la discipline» et de corruption.
Meng Hongwei à Singapour en juillet 2017. (ROSLAN RAHMAN/Photo Roslan Rahman. AFP)
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publié le 27 mars 2019 à 20h04

Cela faisait six mois que l’on n’avait pas eu de nouvelles de l’ancien président d’Interpol. Le Parti communiste chinois a annoncé ce mercredi avoir expulsé de ses rangs Meng Hongwei, et lui avoir retiré le titre de vice-ministre de la Sécurité publique (l'équivalent du ministère de l’Intérieur) pour «graves violations de la discipline». Le 25 septembre, Meng Hongwei, qui vivait à Lyon avec sa femme et ses enfants, avait disparu lors d’un voyage en Chine. Il avait fallu que sa femme alerte les médias français pour que le pouvoir admette, deux semaines après, l’avoir arrêté. Un camouflet pour l’organisation internationale de police criminelle qui a ensuite accepté sans sourciller une lettre de démission apportée par une délégation chinoise. Et ce, alors que le policier de 65 ans était détenu au secret, sans assistance d’un avocat ni possibilité de communiquer avec sa famille.

La Commission centrale d’inspection disciplinaire du Parti communiste chinois, un organe qui dépend directement du parti et non du système judiciaire, a affirmé mercredi avoir conclu après six mois d’enquête que «Meng Hongwei n’a pas respecté les principes du Parti […], n’a pas divulgué des informations personnelles comme il aurait dû le faire et s’est refusé à appliquer les décisions du comité central du Parti». En dehors de ces motifs politiques, il est accusé aussi d’avoir «accepté d'énormes quantités de biens illégaux d’autrui», d’avoir «détourné des biens publics pour financer le luxueux train de vie de sa famille», et «utilisé son pouvoir pour obtenir un emploi à sa femme».

Pilier du système policier

Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, le président Xi Jinping a lancé une immense opération anticorruption, accusée d'être utilisée pour éradiquer toute opposition politique. Plus d'1,5 million de cadres du Parti ont été sanctionnés en six ans, dont de très hauts fonctionnaires. Meng Hongwei avait gravi les échelons de l’appareil sécuritaire chinois au temps où celui-ci était dirigé par un rival du président Xi Jinping, aujourd’hui en prison. La nomination à la tête d’Interpol, en septembre 2016, de ce membre du comité central du Parti communiste, avait été une grande victoire pour le régime chinois, qui cherche à asseoir sa légitimité dans les instances internationales. Mais elle avait été aussi un très mauvais signal pour les défenseurs des droits de l’homme, Meng Hongwei étant un des piliers du système policier chinois qui emprisonne les dissidents, réprime les manifestations et persécute les minorités ethniques.

Malgré les annonces de l’organe disciplinaire du Parti, les zones d’ombre restent nombreuses dans cette affaire. Pourquoi le pouvoir chinois avait-il pris le risque de nommer à ce poste prestigieux un vice-ministre qui n’aurait pas été blanc comme neige ? Pourquoi Meng Hongwei et son épouse avaient été autorisés à résider en France, alors que le poste de président d’Interpol ne nécessite pas d’habiter à Lyon ? Quels sont les mystérieux événements qui ont lieu sur le sol français pendant les jours qui ont suivi la disparition de Meng, qui ont poussé les avocats de Grace Meng, son épouse, à déposer plainte avec constitution de partie civile pour faire rouvrir l’enquête et à demander l’asile en France ? Quelles sont les charges précises retenues contre Meng Hongwei ? Il n’est pas sûr que son futur procès, dont la date n’est pas fixée, nous en apprenne beaucoup plus.