«En plus de marcher, chaque artiste a sa manière de se révolter. Depuis les années 50, la guitare a été un levier révolutionnaire et les compositions de Lotfi ont toujours été faites avec un grand sens du contexte. En ce moment, on se fait plaisir, on envoie en direct des improvisations sur ce qui se passe chez nous, à Sidi Bel Abbès. On avait réussi à monter Raïna Raï dans les années 80 et on continue aujourd’hui car on a conscience que Hamida avait déjà écrit des textes sur ce qu’on est en train de vivre en ce moment. Il fallait que ça pète un jour.
«On a tous été confrontés au système en tant qu'artistes, que ce soit pour nos compositions ou nos sponsors, on a toujours été marginalisés. Le chant révolutionnaire qu'on entend en ce moment est différent de celui qu'on a pu entendre auparavant. Il veut dire : "Partez, laissez place à la jeunesse." Quand on entend ces jeunes dans la rue, on se demande comment ils se révèlent subitement les meilleurs conteurs et chanteurs de ce qui s'est passé depuis des années en Algérie. On n'entend plus le raï des chebs [appelation des années 80 pour qualifier la jeune génération de chanteurs, ndlr]. C'est désormais un raï collectif qui s'élève.
«L’Algérie a connu beaucoup de révolutions, ce n’est pas un peuple médiocre, c’est un peuple qui sait prêcher son identité. Raïna Raï a toujours témoigné de cette "algérianité". Il fut un temps où il ne fallait même pas parler de la décennie noire, mais nous l’avons fait dans nos chansons. Lors de la dernière révolution, nous étions seuls, comme des parias. Il n’y avait pas de réseaux sociaux. Cette révolution-là est différente. On renoue avec une jeunesse que l’on croyait perdue, qui a été spoliée, oppressée et dénigrée par l’Europe, et éventuellement la France.
«L’Algérie est une grande fresque de culture, pas seulement musicale. On souhaite qu’elle soit défendue sans être récupérée ou déformée.»