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Climat

En 2018, les trajectoires climatiques ont continué dans une (très) mauvaise direction

La consommation d'énergie mondiale comme les émissions de dioxyde de carbone ont continué d'augmenter en 2018. Le réchauffement, qui atteint presque 1°C aujourd'hui, ne semble donc pas ralentir.
Centrale à charbon dans la province du Shanxi, en Chine, le 19 novembre 2015. (GREG BAKER/Photo Greg Baker. AFP)
publié le 29 mars 2019 à 17h48

Le printemps est la saison des arbres en fleurs et des rapports bilans sur l'année passée. Sur le front de l'urgence climatique, deux dossiers publiés cette semaine montrent des tendances à la hausse et au réchauffement, en contradiction directe avec les engagements des États lors de l'accord de Paris, et les trajectoires qu'il faudrait prendre pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

Pétrole et charbon

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a lancé la danse le 26 mars. En 2018, la consommation globale d'énergie a encore augmenté de 2,3% par rapport à 2017. Un taux deux fois supérieur à la moyenne d'accroissement depuis 2010 que les experts attribuent à des besoins de chauffage et de refroidissement plus importants dans le monde, eux-mêmes causés par des extrêmes de températures records. En France, on se souvient par exemple de l'été caniculaire de l'an passé et des multiples moyens dénichés pour tenter de se rafraîchir.

La Chine, les Etats-Unis et l’Inde sont à eux trois responsables de près de 70% de cette augmentation de la demande énergétique mondiale, elle-même dopée par la croissance économique. Et sa composition ne permet pas de se rassurer beaucoup puisque le gaz (qui reste une énergie polluante) compte pour la moitié de l’augmentation des émissions. Certes, que les énergies renouvelables aient elles aussi produit davantage (+4%) est une bonne nouvelle, tout comme pour le nucléaire d’un point de vue climatique (+3,3%), mais cela reste sans réel effet quand on sait que même le pétrole (+1,3%) et le charbon (+0,7%) continuent eux aussi à être utilisés de plus en plus au lieu de décroître.

Résultat : selon l'AIE, les émissions de carbone dans l'atmosphère, responsables du changement climatique, ont augmenté de 1,7% pour atteindre 33,1 milliards de tonnes de CO2. Et la situation ne risque pas de changer rapidement comme l'urgence l'imposerait : l'AIE note en effet que les centrales à charbon restent responsables de 30% des émissions et qu'aujourd'hui, «la majorité [de la production d'électricité à partir du charbon] se trouve en Asie, où les centrales n'ont en moyenne que 12 ans, soit des dizaines d'années de moins que leur durée de vie moyenne qui tourne autour de 40 ans ».

+ 0,99°C

Mauvaises nouvelles donc, que l'Organisation météorologique mondiale (OMM) s'est empressée de ne pas alléger en publiant la 25e édition de sa Déclaration sur l'état du climat mondial annuelle le 28 mars. Comme l'écrit António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, en introduction du rapport : «Les données divulguées dans le présent rapport sont très inquiétantes. Les quatre dernières années sont les plus chaudes jamais répertoriées, et la température moyenne à la surface du globe en 2018 était supérieure d'environ 1°C aux valeurs préindustrielles.»

Autrement dit, la hausse des températures moyennes se confirme (nous en sommes à 0,99°C de plus qu’à l’ère préindustrielle selon le rapport) tout comme l’augmentation des concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère responsables de ce réchauffement. Si 2018 n’a pas battu les records de chaleur et n’était «que» la quatrième année la plus chaude jamais enregistrée (les trois autres étant comprises entre 2015 et 2017), les océans – qui accumulent 90% de l’énergie piégée par l’effet de serre – ont eux pulvérisé les chiffres de 2017 pour atteindre de nouveaux pics à la fois au-dessus et en-dessous de 700 m de profondeur.

L'OMM alerte de plus sur les impacts socioéconomiques et environnementaux de la hausse des températures, et note par exemple que les événements climatiques extrêmes (qui sont intensifiés par le changement climatique) ont touché 62 millions de personnes l'année dernière.

Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles climatiques, le secrétaire général des Nations unies l'a rappelé : «Il n'est plus temps de tergiverser.» Avant de citer le rapport spécial du GIEC paru à l'automne dernier, qui alarmait : «Les émissions mondiales nettes de dioxyde de carbone (CO2) d'origine anthropique devront être réduites d'environ 45% par rapport aux niveaux de 2010 d'ici à 2030, et il faudra atteindre un "bilan nul" des émissions aux alentours de 2050.»