Retrouvez tous les samedis dans la chronique «Terre d’actions» des initiatives pratiques et écolos en France et dans le monde.
Sortir du tout fossile et protéger la biodiversité peut passer par des solutions inattendues. Alors que les émissions de CO2 ont encore augmenté de 1,7% l'année dernière, tous les moyens sont bons pour limiter la facture climatique, et certains vont jusqu'à préconiser de retourner vers des méthodes «bêtes» pour des actions habituellement mécaniques. Par exemple: recourir à des moutons ou des chèvres pour entretenir son jardin.
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La pratique se multiplie. Pour des raisons environnementales, mais aussi pour retrouver un contact avec la nature. «La plupart de nos clients souhaitent d'abord se faire plaisir. Avoir des moutons c'est sympa et ça anime les espaces extérieurs» résume Sylvain Girard, créateur et gérant de la société Ecomoutons qui fournit des services d'écopâturage depuis 2012. Aujourd'hui, son commerce fournit 3500 moutons à plus de 250 sites, principalement des entreprises privées.
Des pelouses de l'université de Nanterre ou encore Villetaneuse aux dunes herbeuses de la Slack à Wimereux, moutons, chèvres et brebis sont considérées comme des auxiliaires dans l'entretien des espaces verts. De nombreuses villes avaient d'ailleurs anticipé la loi qui, depuis 2017, impose aux collectivités et aux organismes de l'Etat de se passer de produits phytosanitaires. Et parfois, comme les chèvres des remparts de Bayonne, les animaux broutent dans des espaces difficiles d'accès pour les jardiniers. Signe des temps, de l'autre côté de l'Atlantique, le site Amazon avait même commencé à proposer un service test de «chèvres tondeuses» dans certaines villes des États-Unis en 2015 (abandonné depuis).
Pour les particuliers, les annonces sont plus rares mais se développent doucement. Attention néanmoins, les animaux se plaisent mieux sur des terrains d'au moins 1000 mètres carrés, et passer à la tonte animale demande une certaine organisation. Notamment en termes d'abri et de clôtures car «les moutons ne font pas de quartier dans les fleurs» prévient Sylvain Girard. Pauline Frileux, ethnologue et enseignante-chercheuse à l'école nationale supérieure de paysage de Versailles, raconte que des initiatives s'organisent : «à Igny [dans l'Essonne] des particuliers, épaulés par un berger, font circuler deux moutons de jardins en jardins, où ils restent chaque fois une quinzaine de jours, avec des filets électriques pour protéger les espaces que l'on souhaite».
Soyons réalistes : les moutons ne sauveront pas le climat. Certes, d'après une étude de l'agence de protection de l'environnement américaine (EPA), les équipements de jardin – tondeuses et autres débroussailleuses – ont émis plus de 20 millions de tonnes de CO2 aux États-Unis en 2011, mais le chiffre est faible si on le compare aux 5,5 milliards de tonnes de CO2 que le pays émettait la même année. Surtout entre l'activité digestive des moutons et la logistique nécessaire pour le transport des animaux, l'écopâturage n'est pas neutre.
Du point de vue du bruit et de la biodiversité par contre, utiliser des moutons peut – si l'on fait attention à éviter le surpâturage – être bénéfique. Les animaux broutent de manière moins homogène et permettent d'éviter les défrichements tout en favorisant la biodiversité végétale et animale des espaces. Mais avec cette méthode «il ne faut pas s'attendre à retrouver la physionomie d'un green de golf» remarque Pauline Frileux. Selon elle «le premier intérêt de l'écopâturage, c'est de modifier le regard sur les manières de jardiner. En introduisant des herbivores domestiques dans les espaces privés et publics, on ouvre vers l'écologie et vers une autre relation à l'animal».
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