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Indignation après l'annonce du durcissement de la législation antihomosexualité au Brunei

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A partir de ce mercredi, l'homosexualité et l'adultère seront passibles de la peine de mort par lapidation dans le pays, en vertu de la loi islamique, suscitant l'ire de stars comme George Clooney ou Elton John, ainsi que des associations de défense des droits de l'homme.
Photo d'un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT. (Photo Rajesh Jantilal. AFP)
publié le 31 mars 2019 à 16h25

«Nous devons faire passer le message, comme nous le pouvons, qu'une telle manière de traiter les gens est inacceptable» : avec ces mots, postés samedi soir sur Twitter, le chanteur britannique Elton John s'est joint à l'appel au boycott des hôtels de luxe liés au sultan de Brunei. Lancé par l'acteur américain George Clooney, cet appel vise à contester le durcissement à venir de la législation en vigueur contre l'homosexualité dans le pays. Déjà interdite de longue date, elle deviendra, à partir de ce mercredi, passible de la peine de mort par lapidation, tout comme l'adultère, et ce en vertu de la charia, appliquée progressivement dans le pays depuis cinq ans.

Cette décision du sultanat a suscité l'ire des ONG de défense des droits de l'homme. Ainsi, dans un communiqué publié mercredi, Amnesty International a dénoncé des «peines cruelles et inhumaines» et exhorté le Brunei à «réviser son code pénal dans le respect de ses obligations relatives aux droits humains», appelant par ailleurs la communauté internationale à dénoncer la politique du pays en la matière.

«Un des hommes les plus riches du monde»

Dans une lettre ouverte publiée par le site internet Deadline, George Clooney a dénoncé sans ambages la politique menée dans le sultanat : «Bien sûr, aucune élection n'y a eu lieu depuis 1962, et la version la plus dure de la charia y a été adoptée», écrit-il. Et de poursuivre : «A la tête de tout cela, se trouve le sultan de Brunei, l'un des hommes les plus riches du monde. Il possède l'Agence d'investissement de Brunei, qui à son tour possède plusieurs hôtels parmi les plus beaux du monde.»

L'acteur américain appelle donc à boycotter ces hôtels, dont il fournit la liste : il s'agit du Dorchester (Londres), du 45 Park Lane (Londres), du Coworth Park (Ascot, Royaume-Uni), du The Beverly Hills Hotel (Beverly Hills, Etats-Unis), du Bel-Air (Los Angeles, Etats-Unis), du Meurice (Paris), du Plaza Athénée (Paris), de l'Eden (Rome) et du Principe di Savoia (Milan, Italie). «Soyons clairs : chaque fois que nous séjournons, organisons des séminaires ou dînons dans l'un de ces hôtels, nous enrichissions directement des hommes qui choisissent de lapider et de fouetter à mort leurs propres citoyens homosexuels ou soupçonnés d'avoir commis un adultère», martèle l'acteur. «Brunei est une monarchie et un boycott n'aura certainement pas grand pouvoir pour changer ses lois. Mais allons-nous vraiment contribuer financièrement à ces violations des droits humains ?» questionne Clooney. L'association française SOS homophobie a relayé cet appel au boycott.

«Double système judiciaire»

En réponse, le bureau du Premier ministre de Brunei a diffusé samedi un communiqué, dans lequel il rappelle que ce petit Etat, situé sur l'île de Bornéo, dispose d'un «double système judiciaire» : l'un islamique, qui ne s'applique qu'aux musulmans (soit les deux tiers de la population), et l'autre, civil, relatif à l'ensemble des habitants du pays. Ce nouveau code pénal controversé, en vertu duquel les voleurs pourraient également se voir amputés d'une main, ne concernerait donc que le système judiciaire islamique. Après mercredi, les deux systèmes «continueront à s'appliquer en parallèle afin de maintenir la paix et l'ordre et préserver la religion, la vie, la famille et les individus quels que soient leur genre, nationalité, race et confession», écrivent les services du Premier ministre.

Hassanal Bolkiah, qui règne depuis 1967, avait annoncé en 2013 que la charia allait entrer progressivement en vigueur dans cette monarchie absolue, suscitant des vagues de protestation et de manifestations devant certains des hôtels possédés par son agence d'investissement. Selon l'association internationale de défense des droits LGBT+ Ilga, en 2017, les homosexuels risquaient des poursuites pouvant aller jusqu'à la peine de mort dans 72 pays à travers le monde.