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Libération
édito

Airbus : parachute doré, journée plombée

Tom Enders, patron d’Airbus, le 20 mars. (Photo P. Pavani. AFP)
publié le 2 avril 2019 à 18h36

Au petit matin, la nouvelle m’a d’emblée mis de mauvaise humeur. Tom Enders va toucher en quittant, le 10 avril, ses fonctions à la tête d’Airbus la somme de 36,8 millions d’euros. Ça, c’est la nouvelle, non démentie, révélée par Proxinvest, première agence française d’analyse de gouvernance des entreprises. La mauvaise humeur ? Elle est arrivée après l’irruption dans mon brouillard cérébral matinal du visage de Jean-Luc Mélenchon. Le rapport ? La lassitude. La lassitude de constater qu’en cette matière de rémunérations pharaonesques et autres parachutes dorés des grands patrons, rien ne bouge, ou si peu. Et y en a marre. Marre au point d’avoir Mélenchon et cette question dans la tête dès le petit-déj : «Et si le patron de La France insoumise avait raison ?» Interrogation qui, perso, mettait ma journée sur de mauvais rails. Mais bon, à force de voir jetée par pertes et profits - pour en sauvegarder d’autres - toute idée d’encadrement ou de régulation, ça énerve…

Pour sortir de cette impasse politique caféinée, une seule solution : se reposer deux ou trois questions basiques, au risque de la naïveté. Les avocats de Tom Enders plaident que le patron d'Airbus va quitter une entreprise florissante. Trois milliards d'euros de bénéfice en 2018 pour un chiffre d'affaires de 63,7 milliards. Pas besoin d'être un spécialiste de l'aéronautique pour admettre que ça ressemble à une belle perf. Est-ce pour autant une raison qui justifie ces émoluments stratosphériques au moment de partir (et sans doute ceux perçus avant) ? Non. Tom Enders a fait le job. Très bien. Il a assumé sans aucun doute d'importantes responsabilités. Très bien. Il a créé des emplois ? Encore mieux. Mais comment tirer un trait droit entre l'irréalité de ces 36,8 millions d'euros et la réalité du travail de Tom Enders ? Comment apporter une explication qui tienne la route ? C'est impossible. La logique est imparable : on baigne dans l'irrationalité, le délire, le grand n'importe quoi d'un monde parallèle. Ce qui amène à se poser une dernière question, forcément à la con : mais qu'est-ce que le patron d'Airbus va bien pouvoir faire de tout ce pognon ? Il va prendre l'avion dix fois par jour ? Pour le coup, ça serait vraiment très con.