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Oui mais non

Brexit : et si après le 29 mars, le 12 avril, le 22 mai, on tentait le 30 juin ?

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La Première ministre britannique, Theresa May, a demandé officiellement à l'UE une extension de l'article 50 au 30 juin et envisage une participation aux élections européennes.
Le drapeau européen pourrait (encore) rester planté devant le Parlement jusqu'au 30 juin. (Photo Daniel Leal-Olivas. AFP)
publié le 5 avril 2019 à 17h58

Theresa May jouerait-elle l’usure ? La Première ministre britannique a déjà proposé trois fois au vote des députés de son Parlement l’accord de retrait de l’Union européenne. Par trois fois, elle a été sèchement renvoyée dans les cordes. Ce qui ne l’empêche nullement d’envisager une quatrième tentative. Pourquoi donc ne pas tenter la même expérience avec l’UE ?

Le mois dernier, elle avait demandé aux Vingt-Sept une extension de l’article 50 jusqu’au 30 juin. La réponse avait été négative avec une offre alternative de deux dates qu’elle avait acceptées : le 12 avril sans accord ou le 22 mai avec accord voté. Vendredi, Theresa May a envoyé une lettre à Donald Tusk, président du Conseil européen, pour l’informer que le Royaume-Uni souhaiterait obtenir une extension de l’article 50 jusqu’au… 30 juin. Une fois de plus, elle tente de renvoyer la balle dans le camp européen pour qu’il porte la responsabilité de la date du Brexit.

En principe, l'UE a déjà indiqué qu'une nouvelle extension ne serait envisageable qu'en cas de changement de circonstances significatives, comme des élections générales ou un nouveau référendum. On n'en est pas là, même si un porte-parole de Theresa May a affirmé que les «circonstances avaient changé», sans entrer dans les détails. L'inondation, jeudi, de la Chambre des communes par une fuite d'eau massive, qui a interrompu tout débat jusqu'à au moins lundi, ne semble pas une circonstance suffisante pour justifier un nouveau retard du Brexit. Le seul changement en cours est que, depuis quarante-huit heures, des discussions se tiennent entre le gouvernement conservateur et le Labour pour tenter de trouver un compromis qui permettrait de recueillir suffisamment de votes au Parlement pour faire adopter l'accord de retrait. Mais, pour l'instant, aucune issue n'est en vue.

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Dans sa lettre, Theresa May explique ne pas souhaiter de longue extension et ne pas vouloir que les Britanniques participent aux élections européennes de fin mai. Mais elle assure aussi que les préparatifs pour y participer sont en cours. La situation, qui frôle déjà l'absurde chaque jour, pourrait aboutir à l'élection d'eurodéputés britanniques, qui, si un accord est voté, ne siégeraient pas au Parlement européen lors de la reprise de ses travaux le 2 juillet prochain. A moins qu'ils ne siègent si l'extension accordée est plus longue. Donald Tusk a en effet suggéré une extension flexible, qu'il a surnommée «flextension», d'un an qui pourrait s'achever dès l'instant où le Royaume-Uni voterait un accord pour sortir de l'UE. A moins évidemment que le pays décide entre-temps d'organiser un nouveau référendum.

Theresa May joue, comme toujours, essentiellement la carte intérieure. Son objectif est d'effrayer tellement les brexiters durs à l'idée de retarder éternellement la date du Brexit qu'ils se décident enfin à voter son accord du Brexit. L'un d'entre eux, le député conservateur Jacob Rees-Mogg, a prévenu que «si nous restons coincés dans une longue extension, nous devrons nous assurer d'être les plus pénibles possible. Nous devrions poser notre veto à toute augmentation du budget, faire obstruction à toute éventualité d'une armée européenne et bloquer les plans d'intégration de M. Macron». Son intervention est évidemment destinée à agacer suffisamment les Européens, et notamment le président français, perçu comme très hostile à une longue extension, pour qu'ils poussent dehors le Royaume-Uni.

La présidence française a estimé que les discussions sur une extension étaient «prématurées» et devaient être accompagnées d'un «plan alternatif crédible». De son côté, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, s'est montré peu enthousiaste à l'idée d'une nouvelle extension qui «ne résoudra pas» les principaux problèmes, à savoir les profondes divisions au sein de la population britannique sur la question de son Parlement et des partis qui le composent. Si, économiquement, le maintien du Royaume-Uni au sein de l'UE a un sens, politiquement, la perspective de récupérer au Parlement européen des répliques de Nigel Farage, qui a d'ores et déjà promis de se représenter pour «continuer la bataille», ne suscite guère d'enthousiasme. Les Vingt-Sept décideront de la réponse à apporter à Theresa May le 10 avril, lors d'un conseil extraordinaire à Bruxelles.