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Trumperie

Les Etats-Unis jouent la tension en sanctionnant les Gardiens de la révolution iraniens

Déjà visés par Washington, les puissants Pasdaran sont désormais considérés comme une organisation terroriste. Au risque d'accroître un peu plus la menace d'une escalade.
Défilé des Gardiens de la révolution, le 22 septembre 2018 à Téhéran. (Photo AFP)
publié le 9 avril 2019 à 11h00

Donald Trump joue l'escalade. Un an après avoir réimposé des sanctions contre l'Iran, en violation de l'accord sur le nucléaire signé en 2015, le président américain a annoncé lundi des mesures contre les Gardiens de la révolution. Cette armée créée après la révolution de 1979 figure désormais sur la liste des organisations terroristes étrangères qui ne comptait que des groupes non étatiques (Al-Qaeda, ETA, etc.) ou para-étatiques comme le Hezbollah. La Maison Blanche insiste sur le caractère inédit de son geste dans son communiqué : «Avec cette désignation, les Etats-Unis nommeront pour la première fois une entité d'un autre Etat comme organisation terroriste, soulignant ainsi que les actions de l'Iran sont fondamentalement différentes de celles des autres Etats.»

La décision prendra formellement effet dans sept jours, après notification au Congrès qui dispose d'un pouvoir de blocage. Le coordinateur américain pour la lutte antiterroriste, Nathan Sales, a expliqué que l'objectif était de «rendre les Gardiens de la révolution radioactifs», donc de les isoler de leurs éventuels partenaires à l'étranger. «Les Gardiens sont déjà ciblés par de nombreuses sanctions américaines et sont largement mis à l'index, nuance Ali Vaez, chercheur à l'International Crisis Group. Cette décision pourrait néanmoins compliquer la vie de centaines de milliers d'Iraniens qui ont fait leur service militaire dans le corps des Gardiens de la révolution.»

«Mesure illégale et imprudente»

Les pasdaran, et singulièrement leur branche chargée des opérations extérieures baptisée Al-Quds, pilotent la politique régionale de la République islamique, notamment les interventions armées pour aider le régime de Bachar al-Assad en Syrie, le soutien au Hezbollah, aux milices irakiennes et dans une moindre mesure, aux rebelles houthis au Yémen. Les Etats-Unis ont exigé que l'Iran mette fin à ces politiques, en faisant l'une des douze conditions pour que Washington accepte de négocier un nouvel accord sur le nucléaire. Sans effet jusqu'ici. La décision de lundi risque de tendre un peu plus, et pour des années, les relations entre les deux Etats, estime Ali Vaez : «Elle rend la diplomatie avec l'Iran presque impossible pour le président Trump et pire encore pour son successeur qui rencontrera une forte résistance politique s'il veut retirer de la liste les Gardiens de la révolution en l'absence d'une volte-face fondamentale et peu probable de l'Iran dans sa politique régionale.»

Lundi, Téhéran a réagi de manière forte, mais surtout unanime. «Cette mesure illégale et imprudente est une menace majeure à la paix et à la stabilité régionale et internationale», a dénoncé le Conseil suprême de la sécurité nationale iranien. Le même communiqué annonce que l'Iran «reconnaît le régime des Etats Unis d'Amérique comme Etat soutien du terrorisme et le United States Central Command [responsable des opérations militaires au Moyen-Orient, ndlr] comme un "groupe terroriste"». Mardi matin, le président Hassan Rohani, a accusé à son tour les Etats-Unis d'être «à la tête du terrorisme international». Des députés, y compris parmi les plus critiques des conservateurs iraniens, ont revêtu l'uniforme des Gardiens de la révolution en signe de soutien. Pour Ali Vaez, le risque d'escalade est réel si les Gardiens de la révolution ciblent les forces américaines déployées en Syrie, en Irak ou en Afghanistan.

Nétanyahou dit «merci»

L'offensive américaine a néanmoins contenté ses alliés traditionnels dans la région. Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, dont la réélection se joue mardi, s'est même vanté d'en être à l'origine : «Merci mon cher ami le président des Etats-Unis Donald Trump, d'avoir décidé de placer les Gardiens de la révolution iraniens sur la liste des organisations terroristes. Merci d'avoir répondu positivement à une autre de mes demandes, qui sert les intérêts de notre pays et des pays de la région.»

D'autres mesures pourraient être prises prochainement. Brian Hook, l'émissaire américain spécial pour l'Iran, a décrit comme «un nouveau chapitre» la décision de lundi : «Il y en aura d'autres», a-t-il prévenu. Selon ses décomptes, l'administration Trump a imposé 25 séries de sanctions contre l'Iran depuis deux ans. La semaine dernière, il avait présenté un nouveau bilan des pertes américaines en Irak causées par l'Iran. Les Etats-Unis considèrent désormais que 608 militaires ont été tués par des milices chiites «armées» par Téhéran entre 2003 et 2011. «Nous faisons payer le prix au régime pour son comportement expansionniste illégal», avait lancé Hook.