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documentaire

Regardez en exclusivité «Europe, dans les coulisses d’une décennie de crise»

Un documentaire britannique diffusé sur France 3, dont «Libération» vous propose le premier épisode en exclusivité, plonge au cœur des trois grandes crises récentes de l'Europe : celle de l'euro, du Brexit et des migrants, à travers les voix de leurs principaux protagonistes.
publié le 11 avril 2019 à 7h21

Nicolas Sarkozy regarde la caméra. «C'est pas la peine de dire en huit heures ce qu'on peut dire en huit secondes. No, nein, non. C'est tout», assène-t-il avec son familier petit haussement d'épaules. François Hollande raconte, à propos du Premier ministre grec, Aléxis Tsípras : «Je l'ai appelé et je lui ai dit, "tu as gagné ton référendum, mais la Grèce a perdu".» Pince-sans-rire, l'ancien ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, se souvient de Yánis Varoufákis : «Il nous a expliqué pendant une demi-heure qu'on était des idiots, il avait sans doute raison, mais dire ça à des gens à qui on demande de l'aide, c'est un peu contreproductif.»

La méthode Brook Lapping a encore frappé. Comme pour tous ses documentaires primés à de multiples reprises, la célèbre société de production britannique s'est glissée dans les coulisses de l'histoire en marche, dans les recoins de couloirs, au cœur des longues nuits sans sommeil et des minutes où tout a basculé, en donnant la parole aux principaux protagonistes. Dans Europe, dans les coulisses d'une décennie de crise, diffusé ce jeudi soir sur France 3 et en exclusivité dès maintenant sur le site de Libération (voir ci-dessous), Norma Percy, Tania Rakhmanova et Tim Stirzaker nous font revivre les trois plus récentes grandes crises européennes : la crise de l'euro, celle du Brexit et des migrations en juillet 2015. La narration est réduite au minimum, ceux qui racontent sont tous les acteurs du moment ou presque. Ils donnent leur vision de l'instant, par le prisme de leur propre perception, immédiatement mise en regard par celle d'un autre.

Anecdotes hilarantes 

La décision de se lancer dans ce documentaire-fleuve a été prise dans les jours qui ont suivi le référendum sur le Brexit le 23 juin 2016. «On était encore sous le choc du résultat du référendum et il est apparu évident que la grande histoire à venir était là, au cœur de l'Europe», raconte Norma Percy à Libération. Les trois grands sujets sont vite identifiés, «mais je craignais que le Brexit se règle rapidement et que ce soit ennuyeux… Il faut croire que je suis nulle en prédictions», rigole-t-elle.

Au-delà d'un travail documentaire très pointu, la clé est toujours de décrocher la première grosse interview. C'est Tania Rakhmanova qui a réussi à convaincre les anciens présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy, «nos deux premiers gros poissons». Elle raconte une anecdote. Pour chaque entretien, une très longue liste de questions extrêmement précises est envoyée à la personne interviewée, puis une première rencontre est filmée, à blanc, avant l'enregistrement officiel. Entre les deux enregistrements, François Hollande avait publié son livre. «Et là, j'ai vu avec surprise qu'il avait écrit noir sur blanc ce qu'il nous avait raconté. Il m'a dit, oui, vous m'avez beaucoup aidé à écrire mon livre, et ça a été ma dédicace !» Le temps pris à préparer et à tourner ces entretiens est souvent récompensé par des pensées très personnelles, voire des anecdotes hilarantes, comme celle racontée par Craig Oliver, directeur de communication de David Cameron. Ils sont à Bruxelles et David Cameron s'est enfermé dans le bureau de la délégation britannique. Souffrant du dos, il s'est allongé par terre, quand soudain arrive le message que la chancelière allemande Angela Merkel est en route pour lui parler. Impossible de ne pas sourire en imaginant la scène d'un David Cameron écarlate bondissant sur ses pieds pour accueillir une Angela Merkel imperturbable. Ils sont les deux seuls acteurs de cette période tourmentée à avoir refusé de témoigner. «Angela Merkel, parce qu'elle ne se prête jamais à ce genre d'exercice, elle n'y est pas à l'aise. David Cameron, parce qu'il écrit depuis trois ans ses mémoires», confie Tania.

D'arrache-pied

L'humain prime sans cesse sur la sécheresse des faits. «Si on parle de l'euro et qu'on néglige l'aspect humain, c'est juste la mort d'ennui assurée», note Tania Rakhmanova. Devant les images montées comme un formidable jeu de ping-pong, on se délecte des joutes entre Sarkozy et Jean-Claude Trichet, ancien gouverneur de la Banque centrale européenne, entre Wolfgang Schäuble et l'ancien ministre grec des Finances Yánis Varoufákis ou entre le président du Conseil européen, Donald Tusk, et David Cameron. Cette méthode de travail, que les réalisateurs ont surnommée la «méthode Brian Lapping», du nom du cofondateur de la société de production, avec Norma Percy, «donne des réponses sincères, qui sonnent vraies, parce qu'on leur demande "à tel moment ou quand Untel a dit cela, qu'avez-vous ressenti ?"»

Au-delà du récit fascinant de ces crises européennes, le documentaire fait aussi œuvre pédagogique. «On parle tant de la bureaucratie à Bruxelles, elle existe, mais ce n'est pas elle qui prend les décisions. Les grandes décisions sont toujours politiques et prises par des hommes et des femmes, avec leurs forces et faiblesses d'êtres humains», raconte Tania Rakhmanova. A quelques semaines des prochaines élections européennes, alors que la crise du Brexit s'éternise, Europe, dans les coulisses d'une décennie de crise rappelle aussi très à propos ce qu'est l'Union européenne : un rassemblement de pays très divers, aux histoires et cultures très variées qui, dans les moments de crise, travaillent d'arrache-pied pour trouver une solution, jamais parfaite certes, mais suffisamment satisfaisante pour être presque qualifiée, comme le dit le très humain Donald Tusk, de «Happy End».

Europe, dans les coulisses d’une décennie de crise

Episode 1, «De l’euro au Brexit», diffusion jeudi 11 avril à 23h20 sur France 3

Episode 2, «L’urgence des migrants», diffusion jeudi 18 avril à 23h20 sur France 3