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Limogé, Gavin Williamson nie les fuites et plombe Theresa May

L’ex-ministre britannique de la Défense, coutumier des confidences dans la presse, a démenti jeudi avoir transmis des infos sur la sécurité. Et exige une enquête de police.
Le ministre de la Défense britannique, Gavin Williamson, à Londres mercredi. (Photo Niklas Halle'n. AFP)
publié le 2 mai 2019 à 20h56

En soi, l'annonce d'un nouveau départ du gouvernement britannique aurait pu être reçue avec indifférence. Après tout, Gavin Williamson est le 38e partant du gouvernement de Theresa May en juste un an ! L'ancien ministre de la Défense est pourtant le seul à avoir été officiellement limogé mercredi- tous les autres ont démissionné. Surtout, il n'a apparemment aucune intention de disparaître sagement pour panser son ego blessé après son renvoi sec pour avoir communiqué à un journaliste des informations sensibles à l'issue d'un Conseil national de sécurité (NSC). Le Daily Telegraph avait publié la semaine dernière les détails précis de cette réunion hebdomadaire très privée à laquelle assistent les plus importants ministres et responsables des services de renseignement et de l'armée. La possibilité d'accorder au géant chinois des télécoms Huawei une participation dans le réseau 5G au Royaume-Uni y avait été évoquée. Plusieurs ministres, dont Williamson, s'étaient vigoureusement opposés à cette éventualité, invoquant des risques d'espionnage.

Jeudi, Theresa May, qui n'avait pas besoin d'un nouveau scandale au milieu de la saga du Brexit et à la veille d'élections locales qui s'annoncent catastrophiques pour son Parti conservateur, a souhaité trancher dans le vif. Par la voix de son numéro 2, David Lidington, elle a prévenu les députés qu'elle considérait «l'incident clos et ne juge pas nécessaire d'impliquer la police». «Elle n'a simplement plus confiance en lui», a dit Lidington. Seulement voilà, de nombreux députés ne sont pas de cet avis, au sein de l'opposition travailliste mais aussi de son propre parti. Surtout, le principal intéressé réclame à grands cris une enquête policière, seul moyen selon lui de «restaurer [son] honneur et d'obtenir des excuses de la Première ministre», a-t-il dit à une journaliste de Sky News. La veille, juste après son limogeage, il avait juré à la même journaliste qu'il n'était pas à l'origine de ces fuites. Et aurait refusé de démissionner pour cette raison, contraignant Theresa May à le virer. Scotland Yard a indiqué qu'une enquête ne pourrait être déclenchée que sur demande expresse du gouvernement, ce qui semble peu probable.

«Course»

Le problème, c'est que Gavin Williamson a aussi reconnu avoir eu une conversation téléphonique de onze minutes avec Steven Swinford, journaliste politique au Daily Telegraph, le 23 avril, juste après la réunion du NSC. Le scoop sur les fuites est sorti quelques heures après cette conversation au cours de laquelle, selon Gavin Williamson, «la course au remplacement de Theresa May, le Brexit et d'autres sujets ont été évoqués», mais pas Huawei. Ses collègues au Parlement ont semblé peu convaincus par ses explications.

Gavin Williamson a la réputation de parler volontiers aux journalistes et d’avoir déjà, dans le passé, orchestré des fuites. Une députée travailliste a laissé entendre sur Twitter qu’il devait d’ailleurs son poste de ministre de la Défense à une de ces fuites. Son prédécesseur, Michael Fallon, avait été contraint à la démission en novembre 2017 après des révélations dans la presse sur sa conduite inappropriée auprès de plusieurs femmes. La nomination de Gavin Williamson, 42 ans, à ce poste prestigieux alors qu’il n’avait jamais été titulaire d’un portefeuille ministériel auparavant, avait suscité la stupéfaction dans les rangs conservateurs.

Gaffes

Repéré en 2010 par l'ancien Premier ministre David Cameron dont il était devenu un proche conseiller, il avait, en 2017, dirigé la campagne de Theresa May pour lui succéder à Downing Street. Elle l'avait récompensé par le poste important de chief whip, le député en charge de faire respecter la discipline dans les rangs conservateurs. A ce titre, il connaît toutes les arcanes et les secrets du parti et s'est fait peu d'amis.

Au poste de ministre de la Défense, il avait avec succès arraché un budget plus conséquent que prévu au ministre des Finances, Philip Hammond. Mais il s'était aussi distingué par une série de gaffes diplomatiques. Après l'affaire Skripal, l'empoisonnement par un gaz inervant d'un ancien espion russe et de sa fille (une Britannique innocente est aussi morte après avoir manipulé le poison), il avait affirmé que la Russie aurait mieux fait «de se casser et de la fermer». Dans un discours, il avait aussi confié son intention de déployer le porte-avions HMS Elizabeth dans le sud de la mer de Chine et être prêt à user d'une force «létale» pour décourager quiconque serait tenté de «détourner les lois internationales». Ces propos avaient été perçus comme directement dirigés vers la Chine et ses velléités d'expansion dans le sud de la mer de Chine. Pékin avait réagi avec fureur et une visite en Chine du chancelier de l'Echiquier, Philip Hammond, avait été annulée.

Le départ de Williamson du gouvernement ne semble peiner personne et peu de voix se sont élevées pour le défendre. Mais Joey Jones, ancien conseiller de May, a jugé sur la BBC qu'il était «un homme qu'il est dangereux de ne pas avoir à l'intérieur» du gouvernement. «Il sait dans quels placards sont enterrés les cadavres.»