Menu
Libération
Éditorial

Terrible impuissance

publié le 7 mai 2019 à 0h06
(mis à jour le 7 mai 2019 à 0h06)

Parmi les nombreuses actions criminelles auxquelles peut recourir le joueur de Grand Theft Auto - blockbuster du jeu vidéo politiquement incorrect - pour progresser, la fraude fiscale n'est, bizarrement, pas une option. Dans le monde réel, elle est pourtant démesurément plus lucrative, comme le démontre «Grand Theft Europe», l'enquête que publie Libération en partenariat avec le média d'investigation Correctiv et 34 autres médias de 28 pays européens. Cette fraude à la TVA, la plus gigantesque des fraudes fiscales menée à l'échelle de l'Union européenne, est rendue possible grâce à une mécanique simple et éprouvée, dite «carrousel». Elle est aussi ancienne que le marché commun, formé en 1993. Le montant exact des sommes siphonnées aux finances publiques est difficile à chiffrer précisément. On parle de dizaines de milliards d'euros, peut-être plus de 50, soit le tiers des recettes globales estimées de la TVA au niveau de l'Union européenne. Mais il ne s'agit pas seulement d'un manque à gagner pour les recettes des Etats, ce qui serait déjà intolérable. La réalité est plus terrible encore, puisque ces sommes folles sont prélevées sur leurs finances, les privant d'autant de moyens pour maintenir les services publics, abonder les dispositifs d'aides ou les mécanismes de solidarité, ou encore encourager les investissements. Terrible impuissance, à l'heure où partout en Europe les citoyens réclament davantage de justice fiscale, et où les gouvernements s'agitent pour alléger la pression fiscale sur les ménages. Mais ce n'est pas tout : indûment versé aux fraudeurs, l'argent de la fraude à la TVA s'évapore dans les paradis fiscaux ou est réinjecté dans l'économie, voire abonde les circuits souterrains du crime organisé et même du terrorisme. La majorité des joueurs, elle, continue d'échapper au fisc et à la justice. Same player, fraud again ?