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Libération
Interview

Pologne : «Le PiS instrumentalise les aides sociales»

publié le 9 mai 2019 à 20h26

Au pouvoir en Pologne depuis 2015, le parti Droit et justice (PiS, droite) se porte bien. Les derniers sondages le créditent de 40 % des voix pour les européennes (près de 10 points de plus que lors des précédentes), contre 35 % à la Coalition européenne qui rassemble les opposants libéraux. Maciej Kassner, professeur de philosophie politique à l’université Copernic de Toruń analyse l’usage fait par le parti des aides sociales, qui contribue à entretenir sa popularité.

Depuis 2015 et la victoire électorale du PiS, la conception de la politique sociale a-t-elle changé ?

Fondamentalement, non. Même avant 2015, la politique sociale polonaise avait une tendance conservatrice, plus centrée sur le soutien aux familles traditionnelles que sur l’émancipation des individus. Le PiS a introduit de nouvelles mesures significatives. La plus importante est le programme 500 +, qui alloue des aides aux familles d’au moins deux enfants, voire un selon leurs revenus. Ce programme présente des biais traditionalistes : les mères célibataires qui ont un emploi en sont souvent exclues, par exemple.

Existe-t-il un lien entre ses bénéficiaires et l’électorat du PiS ?

Jusqu’à un certain point. Le programme 500 + favorise les familles nombreuses, plus ancrées dans l’électorat de droite et donc plutôt pro-PiS. Mais son importance politique est à replacer dans le contexte du néolibéralisme qui domine la Pologne depuis les années 90. Ces politiques ont favorisé l’accroissement des inégalités de revenus, et la flexibilité grandissante du marché du travail. Dans ce contexte, un programme d’aides sociales permettant d’atténuer la précarité a été plébiscité par les travailleurs. Aujourd’hui, même les libéraux promettent de le conserver s’ils sont élus. Ce serait toutefois une erreur de penser que le PiS est égalitaire. Le parti instrumentalise la politique sociale pour faire accepter le démantèlement d’institutions comme l’Etat de droit ou les tribunaux indépendants. L’usage sélectif de mesures sociales s’inscrit dans un agenda de droite dure plus large. L’alliage de mesures autoritaires et de politique familiale avait d’ailleurs déjà été expérimenté avec succès par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán.

Peut-on considérer que les nouvelles mesures sociales annoncées en février sont électoralistes ?

Tout à fait. Le PiS a promis l’extension du programme 500 + à toutes les familles, des exemptions fiscales pour les jeunes et une augmentation des pensions des retraités. Le timing de ces annonces est étroitement lié au calendrier électoral, avec les européennes en mai et les élections générales cet automne. D’ailleurs, le gouvernement a simultanément ignoré les demandes de hausse salariale des enseignants qui ont organisé une des plus grandes grèves de ces dernières années. Cela montre à nouveau que pour le PiS les mesures sociales sont des outils destinés à gagner des voix et à faire accepter ses politiques autoritaires et non un instrument pour plus d’égalité sociale.