Une bande de jeunes hilares, assis sur un canapé, un saladier de pop-corn sur les genoux, comme s'ils venaient d'apprendre la nouvelle à la télé: c'est ainsi que l'impitoyable tabloïd New York Post a accueilli sur sa une, jeudi, l'annonce de la candidature de Bill de Blasio à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle. Le maire de New York, 58 ans, est le 23e démocrate à se lancer dans la course pour affronter Donald Trump, en novembre 2020.
Today's cover: Bill de Blasio officially launches 2020 presidential campaign pic.twitter.com/g973kWfGJ3
— New York Post (@nypost) May 16, 2019
Le tabloïd de droite, propriété de News Corp (le groupe de presse de Rupert Murdoch), n’est pas le seul à voir d’un mauvais oeil la campagne de Bill de Blasio. Les médias new-yorkais dénoncent à longueur d’articles son absence de résultats face à la réduction des inégalités sur laquelle il avait pourtant fait campagne, ses inimitiés et passes d’armes permanentes avec le gouverneur démocrate de l’Etat de New York, Andrew Cuomo, qui ralentiraient certains projets d’ampleur comme les travaux du métro, son manque de charisme ou encore ses trajets quotidiens pour faire de la gym à Brooklyn… Selon une étude publiée début avril par l’université Quinnipiac, 76% des New-Yorkais ne souhaitaient pas le voir se lancer dans la course. Médias hostiles, sondages défavorables: la candidature du maire de New York n’a clairement pas le vent en poupe. D’autant qu’il vient, tardivement, rejoindre une ligne de départ déjà fort encombrée, avec la tenue des premiers débats démocrates prévus dans à peine plus d’un mois, fin juin, à Miami. L’ex-vice-président Joe Biden, et le sénateur du Vermont Bernie Sanders, font pour l’instant la course en tête.
Multiculturalisme
Né de père allemand et de mère italienne, marié à la poétesse afro-américaine Chirlane McCray, Bill de Blasio incarne le multiculturalisme new-yorkais, et s’est largement servi de cette image dans ses campagnes. A New York, il bénéficie du soutien massif des minorités, dans une ville où elles constituent, depuis 2009, la majorité de l’électorat. Ancien conseiller municipal de Brooklyn, puis médiateur de la capitale financière des Etats-Unis, De Blasio a rapidement fait de New York, devenue «ville-sanctuaire», un bouclier anti-Trump, notamment dans la protection des immigrés.
D’abord élu maire en 2013, il avait facilement rempilé en 2017, au terme d’une campagne sans suspense, faute de concurrents de poids. La première ville des Etats-Unis, avec un peu plus de 8 millions d’habitants, est un bastion démocrate - elle avait voté à plus de 80% pour Hillary Clinton l’an dernier. Situé à la gauche du parti démocrate, ex-partisan des Sandinistes du Nicaragua et admiratif du parcours de Bernie Sanders en 2016, même s’il avait appelé à voter Clinton dont il dirigea la campagne pour le Sénat en 2000, l’édile à la silhouette de géant et à la voix rocailleuse a déroulé, jeudi lors de conférences de presse et d’interviews, son bilan. Réduction du taux de criminalité, relèvement du salaire minimum à 15 dollars de l’heure, école maternelle gratuite, couverture santé gratuite pour ceux qui n’en ont pas…
Sans doute dans l’optique de sa candidature, et alors que la lutte contre le changement climatique est au cœur des campagnes de nombre de ses adversaires à l’investiture démocrate, de Blasio a entériné fin avril un ensemble de lois censées être exemplaires pour le climat. Ces mesures obligent les gratte-ciel et bâtiments de plus de 2 300 mètres carrés à réduire leurs émissions de 40 % d’ici à 2030, par rapport à leur niveau de 2005. A défaut, les propriétaires seront soumis à des amendes qui pourraient dépasser le million de dollars pour les bâtiments les plus importants.
«New York le déteste !»
«Nous allons donner la priorité aux Américains qui travaillent, a-t-il déclaré jeudi matin à Manhattan. Je sais que c'est possible, car je l'ai fait, ici dans la plus grande et la plus dure ville d'Amérique […]. Beaucoup d'Américains ont du mal à croire au rêve américain actuellement, nous devons le restaurer».
De Blasio s'est également dit «prêt à défier» un autre New Yorkais pur et dur, Donald Trump, se targuant de connaître «tous les tours» du président des Etats-Unis, qu'il qualifie d'«escroc». «Je sais comment le prendre, ça fait des décennies que je le regarde faire». Trump n'a pas manqué de saluer l'annonce de sa candidature par un tweet acrimonieux: «Bill de Blasio est considéré comme le pire maire des États-Unis […]. Ce type est une blague, mais si vous aimez les impôts élevés et la criminalité, il est votre homme. NEW YORK LE DÉTESTE!».