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Libération
Récit

En Autriche, l’extrême droite valse, le chancelier vacille

Sa majorité désintégrée, le chancelier, Sebastian Kurz, a annoncé des élections anticipées. Mais malgré sa disgrâce, le FPÖ de Heinz-Christian Strache reste bien ancré dans le pays.
Conférence de presse de Heinz-Christian Strache samedi à Vienne. (Photo AFP)
publié le 19 mai 2019 à 20h46

«Voilà, c'est fini», titrait samedi le Kronen Zeitung. Au lendemain d'une journée de bouleversements au sommet de la République autrichienne, le premier quotidien du pays constatait, non sans un plaisir revanchard, la fin de la coalition gouvernementale des conservateurs avec l'extrême droite.

Dans la vidéo qui a provoqué sa chute, Heinz-Christian Strache, jusqu'à samedi vice-chancelier et chef du FPÖ (parti de la liberté d'Autriche, extrême droite), se montrait, en effet, non seulement prêt à accorder des contrats publics en échange de financements russes, mais encore à mettre au pas le très populaire Kronen Zeitung.

Répercussions dans le pays

Samedi midi, il démissionnait de toutes ses fonctions. Samedi soir, le chancelier conservateur, Sebastian Kurz, annonçait arrêter sa collaboration gouvernementale avec le FPÖ. Dimanche midi, le président de la République, l’ancien écologiste Alexander Van der Bellen, confirmait la tenue d’élections anticipées, possiblement en septembre.

Ainsi se termine donc ce deuxième épisode de coalition de la droite avec l'extrême droite, ouvert en décembre 2017. Le premier, dans les années 2000, s'était lui aussi achevé abruptement, de même que la toute première participation du FPÖ au gouvernement, en 1983-87, au côté de la gauche. Les annonces qui se sont suivies au compte-gouttes ce week-end laissent beaucoup de questions en suspens. «L'Autriche doit rester en capacité d'agir», a expliqué le président Van der Bellen. Juste après lui, le chancelier Kurz évoquait «un maximum de stabilité» comme leur but commun pour les prochains mois. Ces principes guideraient donc la composition d'un gouvernement d'intérim. L'opposition, sociaux-démocrates en tête, estime que le scandale met en cause toute la direction actuelle du FPÖ. Les six ministres nommés par le parti d'extrême droite devraient, selon elle, être remplacés par des experts, en attendant septembre. En dehors de Vienne, le scandale a déjà des répercussions dans les régions où le FPÖ participe à des gouvernements locaux, comme au Burgenland, à la frontière hongroise dans l'est du pays, où la gauche a annoncé mettre fin à sa coalition avec l'extrême droite.

La dernière heure du FPÖ n'a pourtant pas encore sonné, selon le politologue Peter Filzmaier. «Même s'il perdait des électeurs, le parti a une base fidèle qui rend invraisemblable, voire impossible, qu'il disparaisse du parlement. On ne sait pas l'effet que la vidéo va avoir sur les résultats électoraux», estime-t-il. Ni aux législatives anticipées ni, avant cela, aux européennes, dimanche prochain.

Recherches complémentaires

Le Spiegel, qui a publié cette vidéo vendredi, en même temps qu'un autre média allemand, Süddeutsche Zeitung, affirme ne pas en connaître l'auteur. La bande en leur possession durerait presque sept heures, a-t-on encore appris. Elle aurait été tournée par sept caméras cachées réparties dans la villa d'Ibiza où s'est tenue la scène en 2017. Strache, alors en campagne pour les législatives qui aboutiront à son entrée au gouvernement, y fait miroiter des contrats publics à une personne présentée comme une nièce d'oligarque, russe ou lettonne, en échange d'un soutien financier occulte. Il cite de grands patrons qui auraient déjà mis la main au portefeuille. Ceux-ci ont nié, mais le Spiegel a annoncé des recherches complémentaires. L'Autriche n'est peut-être pas encore au bout de ses surprises.