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Libération

British Steel : le Brexit détrône le fer

Le géant sidérurgique britannique a été placé en faillite après l’échec de négociations avec le gouvernement, citant des «incertitudes liées au Brexit» : jusqu’à 5 000 emplois directs et 20 000 indirects sont menacés.
Dans l'usine British Steel de Scunthorpe dans le Lincolnshire, le 29 septembre 2016. (Photo Lindsey Parnaby. AFP)
publié le 22 mai 2019 à 21h16

Pressentie depuis quelques jours, la nouvelle a secoué le Royaume-Uni. A la veille des élections européennes, qui se déroulent ce jeudi au Royaume-Uni, le géant sidérurgique britannique British Steel a été placé en faillite et un administrateur désigné. Quelque 5 000 emplois directs dans le pays sont menacés et plus de 20 000 indirects chez les fournisseurs. En difficulté après une baisse des commandes en raison «des incertitudes liées au Brexit», l'entreprise négociait depuis quelques jours avec le gouvernement de Theresa May pour obtenir une aide d'urgence de 30 millions de livres sterling (34 millions d'euros). Les négociations ont échoué : l'Etat a refusé ce prêt d'urgence, estimant qu'il serait illégal.

Devant la Chambre des communes, la Première ministre a promis que son gouvernement œuvrait en coordination avec toutes les parties pour «explorer toutes les options possibles pour sécuriser l'avenir de la compagnie». Son ministre de l'Industrie Greg Clark a affirmé que le «gouvernement a travaillé sans relâche avec British Steel, son propriétaire Greybull Capital et ses créanciers pour trouver une solution». Le ministre a cependant estimé que «le gouvernement ne peut agir que dans le cadre de la loi. Il aurait été illégal de fournir une garantie ou un prêt sur la base des propositions de l'entreprise». Initialement, le prêt réclamé était de 75 millions de livres, réduit à 30 après négociations.

L'administrateur, un haut fonctionnaire, est chargé, en coordination avec le cabinet comptable EY, d'évaluer la situation et a reçu une indemnité du Trésor pour permettre à «British Steel de continuer à fonctionner normalement dans un avenir immédiat», a déclaré Theresa May. Autrement dit, les salaires continueront pour le moment à être versés aux employés de la compagnie dont la principale usine est située à Scunthorpe, dans le Lincolnshire. Cette usine existe depuis le milieu du XIXe siècle. Elle se spécialisait à l'époque dans la production d'acier et de fer.

«Sécuriser». Les usines françaises du groupe, et notamment l'usine Ascoval de Saint-Saulve (270 salariés), dont la reprise par British Steel avait été confirmée début mai, ne sont pour le moment pas concernées (lire ci-contre). L'administrateur David Chapman a indiqué que sa priorité immédiate était de «sécuriser la poursuite des opérations» à British Steel : «La compagnie en faillite continue à fonctionner et à fournir ses clients pendant que je considère les options possibles. Les salariés ont été payés et continuent à être employés par la compagnie.» La recherche d'un repreneur commence immédiatement. En cas d'échec pour en trouver un, des licenciements pourraient suivre. «Cette nouvelle va augmenter les inquiétudes des salariés et de quiconque connecté à British Steel, mais elle met aussi fin à l'incertitude générée par le propriétaire Greybull Capital et doit être saisie comme une opportunité pour trouver une alternative», a déclaré Roy Rickhuss, secrétaire général de Community, le syndicat des sidérurgistes.

La faillite de British Steel remet en question la gestion du fonds d’investissement Greybull Capital, qui avait racheté en 2016 le sidérurgiste pour une livre sterling symbolique à l’Indien Tata Steel. Greybull Capital, spécialisé dans le rachat de compagnies en difficultés, investit les fortunes de deux familles, l’une suédoise, les Perlhagen, et l’autre turque, les Meyohas. Ses récents investissements n’ont pas été couronnés de succès. En 2017, la compagnie aérienne Monarch Airlines avait mis la clé sous la porte subitement, coinçant partout dans le monde quelque 110 000 touristes que le gouvernement britannique avait du rapatrier pour 60 millions de livres.

Flou. «Le renversement de fortune de British Steel s'était toujours annoncé difficile, mais l'entreprise avait surmonté beaucoup de difficultés et, jusqu'à récemment, semblait sur la route d'un retour à la prospérité […] mais les obstacles supplémentaires liés à des problèmes reliés au Brexit se sont révélés insurmontables», a déclaré Greybull. Le Brexit est en effet passé par là. Au fil des mois, et alors que l'accord de sortie de l'UE conclu avec les négociateurs européens ne semble pas près d'être adopté par le Parlement britannique, la livre sterling a significativement baissé et les commandes européennes ont ralenti face à ce flou artistique. British Steel a aussi souffert de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.

Le travailliste Jeremy Corbyn a appelé à la nationalisation de British Steel et demandé à Theresa May d'«agir». Mais la Première ministre se trouve au seuil de Downing Street, sur le point d'être poussée vers la sortie, d'un jour - voire d'une heure - à l'autre. Son départ ne devrait pas forcément stabiliser une situation politique et économique très incertaine depuis le référendum sur le Brexit.