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Libération

Le voilier «Tara» met le cap sur la pollution plastique

publié le 22 mai 2019 à 19h56

«Le plastique dans les océans, c'est un peu comme une fuite d'eau dans une salle de bains. Avant d'éponger, il faut arrêter la fuite.» L'image, efficace, est employée par Romain Troublé, le directeur général de la Fondation Tara Océan, pour présenter la nouvelle mission de la goélette scientifique. Celle-ci doit partir ce jeudi de Lorient pour six mois, afin d'étudier les embouchures de dix grands fleuves européens (Tamise, Elbe, Rhin, Seine, Loire, Garonne, Tage, Ebre, Rhône, Tibre). But affiché, alors que 80 % des déchets en mer sont d'origine terrestre : «Explorer et décrire les fuites de déchets plastiques vers la mer pour mieux endiguer cette "hémorragie".» La mission, qui impliquera une quarantaine de scientifiques, tentera de répondre à une foule de questions. D'où proviennent exactement les déchets plastiques retrouvés en mer ? Sous quelles formes arrivent-ils ? En quelles quantités ? Quelle est leur toxicité ? Quels impacts ont-ils sur la biodiversité et la santé humaine ?

Selon une étude de 2015 citée par Tara, environ 8 millions de tonnes de plastique sont rejetés chaque année dans l'océan, soit l'équivalent d'un camion benne par minute. Sur ces 8 millions de tonnes, 600 000 tonnes proviennent d'Europe, ce qui fait du Vieux Continent la deuxième source de pollution plastique après la Chine, qui rejette 2,8 millions de tonnes par an. Les bouteilles, sacs, tongs et autres «macrodéchets» que l'on voit flotter à la surface de l'océan ne sont que la partie émergée de l'iceberg. 94 % des plastiques relevés dans les eaux océaniques sont plus petits qu'un grain de riz. Omniprésents dans les océans, ces microplastiques (de 0,2 à 5 millimètres de diamètre) sont essentiellement issus de la fragmentation des macrodéchets sous l'effet des rayons du soleil et des vagues. «Dans certaines zones de Méditerranée, la mer la plus polluée au monde, il y a autant de microplastique que de plancton, constate Jean-François Ghiglione, directeur de recherche au CNRS et directeur scientifique de la mission. Résultat, les poissons les confondent avec leur nourriture.» Les microplastiques peuvent ainsi se retrouver dans nos assiettes et nos organismes. «Dans une portion de moules, il peut y avoir 300 particules de plastique», observe le scientifique. Ils peuvent aussi servir de «radeaux» à des polluants (tels que des métaux lourds ou des pesticides) et à des organismes potentiellement invasifs ou pathogènes. Plus inquiétant encore, les microplastiques peuvent se fragmenter en particules nanométriques, qui peuvent s'introduire dans les cellules des êtres vivants, se retrouver dans le cerveau des poissons… et potentiellement dans nos corps. L'un des défis de la nouvelle mission Tara sera d'en savoir plus sur eux et sur leur impact, pour que les politiques publiques soient mieux orientées.