Au rythme parfois de huit réunions publiques par jour, Matteo Salvini, le ministre de l'Intérieur italien, a délibérément transformé les élections pour le Parlement de Strasbourg en une tentative de plébiscite pour son parti et sur sa personne. «La Ligue doit être le premier parti pour aller reprendre les clés de notre maison», martèle l'homme fort de l'extrême droite continentale, «le 26 mai, ce ne sont pas des élections européennes, c'est un référendum entre la vie et la mort, entre l'Europe libre et l'Etat islamique».
Après avoir obtenu 17 % des voix aux législatives de l'an dernier, la Ligue est créditée de plus de 30 % dans les sondages. Pour celui que ses partisans surnomment «le Capitaine» et qui a réuni autour de lui, samedi dernier, dix responsables souverainistes dont Marine Le Pen sur la place du Dôme à Milan, l'objectif est de confirmer son nouveau statut de figure de référence des nationalistes européens. Mais l'enjeu est aussi intérieur. Alors qu'au cours des dernières semaines, les tensions se sont exacerbées avec ses partenaires du Mouvement Cinq Etoiles (M5S) - au point de faire resurgir le spectre d'une crise gouvernementale -, le ministre de l'Intérieur compte sur un bon résultat dimanche afin de renverser les rapports de force. Il y a un an, le Mouvement Cinq Etoiles était sorti grand vainqueur des élections, avec 32 % des suffrages. Pour s'imposer dans la campagne, Matteo Salvini a déroulé ses mesures contre l'immigration clandestine (fermeture des ports, lutte sans merci contre les ONG, etc.) ou en faveur de la légitime défense. Les maigres résultats sur le plan économique et le glissement des comptes publics ? Ils sont attribués aux blocages supposés de la part de ses alliés M5S et de leur politique d'assistanat résumée dans le revenu de citoyenneté.
Alors qu'il y a encore un an, Matteo Salvini évoquait la sortie de l'euro, la Ligue a depuis remisé son hypothèse d'«Italexit» pour prôner un discours ultra-nationaliste : «Les Italiens d'abord.» Dans les réunions locales du parti, le discours est dorénavant celui-ci : «Matteo Salvini a remis à leur place divers leaders européens. Cela peut nous faire rêver d'une Europe qui soit à traction italienne.»
Face à l'offensive du «Capitaine», les Cinq Etoiles rendent désormais coup pour coup. «Salvini n'a rien fait pour expulser les clandestins», a par exemple attaqué Luigi Di Maio, ministre du Développement économique, du Travail et des Politiques sociales. En coulisse, l'objectif est de ne pas sombrer (comme récemment lors d'élections administratives partielles) et de ne pas descendre en dessous des 21 % comme en 2014, aux dernières européennes. Une déroute pourrait entraîner l'explosion de la majorité.
Devant le duel féroce entre les deux forces gouvernementales, l'opposition de gauche a du mal à se faire entendre. Le scrutin de dimanche sera en tout cas un test pour le nouveau secrétaire du Parti démocrate, Nicola Zingaretti, qui veut faire oublier la claque de l'an passé aux législatives (18,7 %) et tourner définitivement la page de Matteo Renzi. Quant à Silvio Berlusconi, il tente, lui, de sauver Forza Italia. A 82 ans, Le Cavaliere est retourné dans l'arène. Plus de cent interventions télévisées dans les dernières semaines de campagne pour bloquer les «Cinq Etoiles, qui sont pires que des communistes», et dans l'espoir de remettre à sa place son ancien allié Matteo Salvini, à savoir dans une coalition avec Forza Italia.