Menu
Libération
Récit

Autriche : Sebastian Kurz chancelle finalement

En dépit d'un succès aux européennes, le chancelier conservateur, plombé par le scandale de l'Ibizagate, est tombé après un motion de censure ce lundi. Une première dans l’histoire de la Seconde république autrichienne, fondée en 1945.
Sebastian Kurz, à Bruxelles en décembre. (EMMANUEL DUNAND/Photo Emmanuel Dunand. AFP)
publié le 27 mai 2019 à 18h19

Le cadre n'est pas à la hauteur du moment historique, une première dans l'histoire de la Seconde République autrichienne, fondée en 1945. C'est depuis des locaux préfabriqués qu'une majorité des députés autrichiens a renversé le chancelier, lundi. Ils les occupent depuis des mois, pendant la rénovation du plus prestigieux siège du Parlement, sur le boulevard viennois du Ring.

La fin de son mandat, après dix-sept mois à la chancellerie, le conservateur Sebastian Kurz, ex-sauveur de la droite, la doit à une motion de censure déposée par l'opposition sociale-démocrate. Elle a reçu le soutien du petit parti écologiste Jetzt et de l'extrême droite du FPÖ. Jusqu'à la semaine dernière, le FPÖ siégeait encore dans le gouvernement de Kurz. Mais après la révélation d'une vidéo compromettante, dans laquelle il se disait prêt à accepter des financements russes occultes, le vice-chancelier et chef de ce parti, Heinz-Christian Strache, démissionnait de toutes ses fonctions. Dans la foulée, Kurz annonçait la fin de sa coalition avec ce parti et la tenue d'élections législatives anticipées, en septembre. Lundi, son destin immédiat a été fixé: il ne restera pas en poste jusqu'au scrutin. Le très bon score, près de 35%, de sa formation aux européennes, dimanche, n'y aura rien changé.

Sourire narquois

La cheffe des sociaux-démocrates a exposé les motifs de la motion de censure devant des députés très échauffés. Sebastian Kurz, qui s'est engagé dans une coalition avec l'extrême droite «en dépit de tous les avertissements», serait «responsable de la situation actuelle». Pamela Rendi-Wagner tacle également sa gestion de crise. Cette dernière semaine, il aurait tenté de former un gouvernement sans majorité parlementaire. Nuque raide, Sebastian Kurz, assis sur le banc du gouvernement, détourne la tête avec un sourire narquois.

Ses traits reprennent plus de sérieux lors de l’intervention de Herbert Kickl, qui faisait partie, avant le scandale, de son équipe gouvernementale. L’ex-ministre de l’Intérieur vient de reprendre la tête du groupe parlementaire d’extrême droite. Herbert Kickl accuse le chancelier d’avoir tenté de profiter de la crise pour élargir son pouvoir. En l’occurrence, Sebastian Kurz avait nommé, lundi dernier, des ministres intérimaires issus de la société civile, mais dont l’indépendance était mise en cause par l’opposition.

 Propre successeur?

Le vote se fait dans le silence, une majorité des représentants du peuple se lève pour montrer son soutien à la motion de censure. Il est 16h20, Sebastian Kurz et son gouvernement quittent l'hémicycle. S'en est-il fini du jeune prodige, ayant pris la tête de son pays à 31 ans ? Certes, il perd un avantage en entrant dans la campagne pour les législatives en n'étant plus chancelier. Pourtant, «le successeur de Kurz sera Kurz», prophétise le très expérimenté politologue Anton Pelinka. Il pourra se profiler en victime des calculs politiciens de ses opposants, assure-t-il.

En attendant, une parenthèse inédite s’ouvre en Autriche, explique Laurenz Ennser-Jedenastik, chercheur en science politique à l’université de Vienne. Le pays devrait être gouverné les prochains mois par des technocrates, nommés par le président, l’ancien écologiste Alexander Van der Bellen. Il avait remporté la présidentielle, en 2016, de justesse contre l’extrême droite. Jusqu’ici, il était cantonné à un rôle symbolique – tout change aujourd’hui.