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Libération
Edito

Amer et vindicatif

publié le 30 mai 2019 à 20h36

Nouveau coup de Jarnac. La rectitude, la tradition démocratique israélienne, la simple logique politique, auraient voulu qu'après avoir échoué à constituer une coalition capable de gouverner, Benyamin Nétanyahou laisse sa chance à un autre. Par exemple à Benny Gantz, son rival lors du scrutin, qui a imposé dans le paysage politique un parti neuf et (relativement) plus raisonnable. Mais la rectitude et la tradition démocratique sont des mots étrangers au vocabulaire du Premier ministre israélien. Comme l'écrit le quotidien Haaretz, la démocratie pour Nétanyahou n'a de sens que si elle lui permet de perpétuer son pouvoir. Il a ainsi lui-même sabordé la Chambre à peine élue, furieux de ne pas l'avoir à sa main. Il a ainsi ouvert une des pires crises politiques de l'histoire israélienne.

Pour encore quatre mois, Israël sera gouverné par un Premier ministre empêtré dans les affaires, tenté de changer la loi pour échapper à la justice (même si ce subterfuge est pour l’instant remisé au placard), allié avec les ultraorthodoxes qui imposent toutes sortes d’extravagances religieuses à la société israélienne, décidé en tout état de cause à poursuivre sa politique de fait accompli vis-à-vis des Palestiniens. La dissolution imposée par Nétanyahou a même étouffé dans l’œuf le mystérieux «plan Trump» pour la paix, désormais renvoyé aux calendes grecques et peut-être définitivement compromis pour cause de proximité probable avec la campagne de réélection du président américain. «Bibi» avait claironné sa victoire aux élections. De toute évidence, le clairon est fêlé. Reste un Premier ministre en sursis affligé d’un gouvernement de coalition ultradroitier, incapable de réunir une majorité, mais arc-bouté sur un pouvoir sans légitimité. En public, Nétanyahou est apparu fatigué, amer et vindicatif. C’est l’actuel visage d’Israël.