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Libération

En Autriche, le président Van der Bellen ne chancelle pas

publié le 3 juin 2019 à 20h46

En gérant depuis deux semaines une crise gouvernementale inédite, Alexander Van der Bellen, le président dont on croyait le rôle purement symbolique, est la grande révélation du moment en Autriche. Il a repris en main la gestion de la République depuis la destitution du chancelier Sebastian Kurz, le 27 mai, avec une adresse souveraine.

Lundi, l’ancien chef des Verts a intronisé un gouvernement technique intérimaire. Il reviendra à celui-ci d’expédier les affaires courantes, en attendant qu’un nouveau chancelier sorte des urnes, après les législatives anticipées décidées après le scandale dit «d’Ibiza» et attendues pour septembre.

Il y a deux semaines, la parution d’une vidéo compromettante, tournée en 2017 aux Baléares, a provoqué la chute du vice-chancelier de Kurz, Heinz-Christian Strache, puis du gouvernement de coalition avec le parti de celui-ci, le FPÖ (extrême droite), et enfin de Sebastian Kurz lui-même. La motion de censure qui l’a emporté a également renvoyé dans les cordes un premier gouvernement transitoire, que Kurz avait tenté de proposer.

L’équipe qui devait prêter serment lundi a été choisie par le Président. C’est une prérogative exceptionnelle : alors que Sebastian Kurz devenait le premier chancelier de la Seconde République autrichienne renversé par des députés, Alexander Van der Bellen, 75 ans, est le premier président à nommer lui-même un gouvernement. Pour le diriger, il a finalement opté, en accord avec les partis au Parlement, pour une ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, Brigitte Bierlein.

Ce choix d’une femme, la première chancelière pour la république alpine, est un geste symbolique. Ce n’est pas la seule étincelle que l’ancien professeur d’économie a produite ces derniers jours. Alors que le ministre de l’Intérieur sortant, le très controversé Herbert Kickl du FPÖ, avait, juste avant sa destitution, nommé un de ses hommes de confiance à la tête de la Sécurité publique, Van der Bellen a refusé cette nomination.

Ce genre d'actions tout au long de la crise lui ont valu une large approbation. «Chance historique pour la République, ce président mène la barque autrichienne avec clairvoyance et élégance», écrivait ainsi Claus Pándi, rédacteur en chef du quotidien Kronen Zeitung, mercredi.

Oubliée, la déception éprouvée par de nombreux soutiens de Van der Bellen lors de ses débuts, jugés trop frileux. Au fil des mois, le nouveau chef de l'Etat avait donné l'impression qu'il n'interviendrait pas dans la politique du gouvernement droite-extrême droite élu en décembre 2017. C'est cette parcimonie prudente qui inspire actuellement confiance aux citoyens. De sa voix usée par les cigarettes, le vieux professeur a délivré des allocutions télévisées d'un ton ferme, mais rassurant, allant jusqu'à vanter «l'élégance, la beauté de notre Constitution», qui garantirait un cadre solide à l'actuelle période de transition. Pendant sa campagne présidentielle de 2016, Van der Bellen avait plaidé pour une utilisation réduite des pouvoirs dévolus au Président. Il s'y est jusqu'ici tenu. Mais aujourd'hui, «il est bien possible que son rôle soit renforcé», note Reinhard Pickl-Herk, son attaché de presse.