Les paisibles bords louisianais du Mississippi font rêver l’étranger naïf. Pourtant, ce cadre bucolique, la plupart des habitants rêve de le fuir. Car ils en meurent. Les 150 kilomètres qui relient Baton Rouge, capitale de l’Etat, à la Nouvelle-Orléans, sa plus grande ville, ont aussi su séduire l’industrie pétrochimique. Depuis les années 50, des dizaines d’usines ont essaimé, attirées par le débouché du fleuve sur le golfe du Mexique. Leur arrivée a valu le doux surnom de «Cancer Alley» («Allée du cancer») à ce couloir. L’air est souillé, la terre contaminée, l’eau du fleuve polluée. Pendant cinq jours, depuis le 30 mai, plusieurs dizaines d’habitants ont marché de la ville de Reserve à Baton Rouge pour exiger de leur gouverneur un environnement sain. D’après l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA), les cinq districts aux plus hauts risques de cancer du pays se trouvent dans ces communautés pauvres majoritairement afro-américaines. Sur la dernière carte des risques toxiques établie par l’agence (voir ci-contre), une traînée violacée colore le pourtour du Mississippi entre les deux villes louisianaises, soit le ton le plus alarmant de l’échelle de risques. Comme une unique tache de pétrole au milieu des Etats-Unis.
En quatre étapes, Libération a suivi ce couloir mortifère où, depuis soixante-dix ans, la ségrégation d'Etat a laissé place à une autre forme pernicieuse de racisme. Les descendants de familles d'escla