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Mali

Plus de 95 tués dans un village dogon du centre du Mali

Au moins 95 habitants du village dogon de Sobane-Kou, dans le centre du Mali, ont été tués dans la nuit de dimanche à lundi par des hommes armés, «soupçonnés d'être des terroristes», selon le gouvernement malien
publié le 10 juin 2019 à 16h22

Depuis l'apparition en 2015 dans le centre du Mali du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l'agriculture, qui ont créé leurs «groupes d'autodéfense».

«Nous avons pour le moment 95 civils tués, les corps sont calcinés, nous continuons de chercher des corps», a déclaré un élu de la commune de Koundou (cercle de Koro), où se situe ce village. «ce sont des hommes armés qui sont venus tirer, piller et brûler. C'est un village de 300 habitants. C'est vraiment la désolation», a-t-il ajouté.

«Des hommes armés, soupçonnés d'être des terroristes, ont lancé un assaut meurtrier contre ce paisible village», indique pour sa part le gouvernement malien, qui ajoute «Des renforts sont actuellement déployés dans le secteur et mènent un large ratissage pour traquer les auteurs», en présentant ses condoléances et en assurant que «toutes les mesures seront prises pour arrêter et punir les auteurs de ce carnage».

L’application de l’accord de paix de 2015 cumule les retards

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes, en grande partie dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, qui se poursuit. Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, malgré la signature en 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.

Depuis 2015, ces violences se sont propagées du nord au centre du pays, voire parfois au sud. Elles se concentrent surtout dans le centre, se mêlant très souvent à des conflits intercommunautaires, un phénomène que connaissent également le Burkina Faso et le Niger voisins. Elles ont culminé le 23 mars avec le massacre à Ogossagou, près de la frontière burkinabè, de quelque 160 villageois peuls par des membres présumés de groupes de chasseurs dogons. Massacre perpétré dans un contexte d'escalade vers le nettoyage ethnique.

Depuis janvier 2018, la division des droits de l’homme et de la protection de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a documenté 91 violations des droits de l’homme commises par des chasseurs traditionnels contre des membres civils de la population peule, dans les régions de Mopti et de Ségou, ayant fait au moins 488 morts et 110 blessés, a indiqué le 16 mai la Minusma lors d’un point de presse.

Inversement, des groupes armés d’autodéfense de la communauté peule ont commis 67 violations des droits de l’homme contre la population civile de la région de Mopti dans la même période, ayant causé 63 morts et 19 blessés, selon la même source.

Les Etats-Unis voulaient réduire la présence des forces de l'ONU dans la région

«C'est un choc, une tragédie» qui se produit «alors qu'on discute du renouvellement du mandat», a déclaré lundi le chef de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), Mahamat Saleh Annadif, en regrettant que l'Etat malien ne soit pas assez présent dans centre pour empêcher les affrontements interethniques. Une réunion sur les pays contributeurs de troupes à la Minusma est prévue mercredi après-midi aux Nations unies, dont le Conseil de sécurité doit se prononcer le 27 juin sur le mandat de cette force. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, recommande qu'elle ne soit pas réduite, malgré les appels des Etats-Unis.